in the past we lived -- (faye)

L'oisiveté devenue supplice tant les journées sont longues et redondantes : voilà le quotidien de Faye depuis son retour à Stevenson. L'ennui, elle ne connaissait pas, jusqu'à il y a encore quelques mois. Toujours dans l'excitation d'un moment vécu à pleins poumons, sur la route, fébrile et résolument vivante. Et puis il y a le retour au village, les poches vides et le cœur sec. Une déception comme seuls ceux qui ont voulu y croire en connaissent ; les autres, qui se satisfont de leur confort, se contentent de les imaginer. Pauvre gamine Buchanan, qu'on dit. La p'tite Faye qu'est revenue - faut dire que c'était louche, ses histoires de chanteuse. 'Paraît qu'elle était en cure de désintox. 'Paraît qu'elle a suivi un loubard douteux. Alors que tout ce qu'elle a fait, en vérité, c'est rêver. La chute n'en est que plus ardente, et ses jours à la demeure familiale, plus monotones. Tout ce temps soudain disponible, elle le passe à errer l'air hagard entre ces quatre murs, alternant lit et canapé, prisonnière d'un refuge qu'elle n'a pas le luxe de refuser.

Péniblement, elle se dirige vers la cuisine, et plonge dans le frigo. Vide, à l'exception d'un pot de mayonnaise dont elle ne saurait même pas connaître l'âge, et d'une brique de lait. Faye s'en saisit, retire le bouchon : l'odeur âcre du lait caillé vient saisir ses narines en quelques secondes, lui arrachant une grimace. Aller direct pour la poubelle. La jeune femme finit par se résoudre : il va falloir affronter le monde extérieur. Elle s'habille des premiers vêtements venus, et ne prend pas le soin de coiffer sa chevelure, montée en un chignon chaotique. Faye croise son reflet dans le miroir, soupire en ordonnant vaguement quelques mèches rebelles, et grimpe dans sa voiture en direction de l'épicerie du village.

Là, reprend le vagabondage. Si chez elle, c'est l'absence de but qui la retient, ici ce sont les néons blafards et les allées remplies de produits dont elle ignore jusqu'à l'utilité qui sèment le trouble. Alors que Faye avance entre les surgelés, une voix retentit derrière elle. « Well, well, look at that. If it isn't the beautiful and talented Faye Buchanan. » Elle l'identifie bien vite - tout en se disant que c'est impossible, car l'homme qui en est le détenteur est certainement à des centaines de kilomètres de là. Elle fait volte-face, et c'est pourtant bien Tennessee Cohen qui se trouve juste là, devant elle. Une expression de surprise vient se peindre sur son visage, suivie d'une rougeur certaine quand elle prend conscience de son accoutrement. « Oh my god, Tennessee ! » Lance Faye avec enthousiasme, tout en n'en revenant franchement pas. Ils s'étaient croisés en de nombreuses reprises ; pourtant, ce petit village - son petit village - était bien le dernier endroit où elle s'attendait à le voir. « Well, beautiful... That's one way to put it. » Rajoute-t-elle avec un sourire en coin en désignant son accoutrement. Quant au talented, elle ne relève pas, se gardant bien de toute référence à sa situation actuelle. « It's... crazy, what are you doing here ? » Là, dans le rayon surgelés ? « I mean, in Stevenson, of course. » Elle complète, comme si une explication était nécessaire à ces impromptues retrouvailles.

(@TENNESSEE COHEN)