what a breathless place to vanish // ephraïm

Petit souvenir de quand il avait perdu sa mère au supermarché - c'était à Raleigh. Le soleil coulait sur lui et il n'était même pas sûr que sa mère le cherchait. Il avait trouvé sa mère - pas le contraire. Errant dans le rayon maquillage, un bâton de rouge à lèvres qui dépassait de la poche du jean. Elle ne lui avait pas demandé où il était, l'avait serré contre lui lorsque le monsieur à qui Candy était allé tirer la manche, avant annoncé que l'on recherchait la maman d'un petit garçon brun, d'origines asiatiques, d'environ cinq ans. Lui avait dit qu'il fallait faire attention. Les hommes sont méchants avec les petits garçons. Les femmes également, lui dirait-elle plus tard.

Là, seul, enfoncé si profondément dans les bois, il ne sait même plus si sa mère était vraiment là. Il en vient à réaliser qu'il a peut-être fantasmé sa présence, plus tôt et... Il a envie de crier de nouveau le petit nom adulé, mais le hurlement serait emporté par les bourrasques. Il perdrait de l'énergie. Merde...

(Toi aussi t'es perdu ?)

Le fils du pasteur, hein ? Il a envie de rire, pendant quelques secondes.

- Faut croire, ouais.

Il veut bouger, mais une bourrasque plus forte que les autres l'en décourage.

- Je vais croire que ton apparition est providentielle, hein.

Candy ignore tout du mépris que lui porte Ephraïm. Ce qu'il y a dans la tête du jeune homme ne l'intéresse pas vraiment.

- Il faut qu'on s'abrite. Ça va dégénérer d'une minute à l'autre.

Candy est heureux de ne pas être le seul homme encore debout entre les arbres; il ne peut pas s'empêcher de songer que s'il meurt ce soir, ce ne sera pas seul. Pas spécialement en bonne compagnie, au vu de la mine funèbre du gosse de pasteur, mais ce sera mieux que rien.

- Ce n'est pas une blague hein, vaut mieux être à deux que tout seul dans une tempête pareille.
ronchonne t-il en remontant le col de sa veste bon marché.

La tempête fait gémir les arbres et Candy Allen ne repère même plus les bruits habituels de cette forêt qu'il aime tant. L'ouragan semble charrier un désespoir d'une telle force qu'il le cloue sur place et l'espace d'un instant, Candy a peur de s'envoler, son poids plume l'empêchant de s'ancrer correctement dans la neige qui commençait à s'accumuler au sol.

Alors qu'ils se mettent en quête d'un abri, Candy continue de hurler le nom de sa mère - comme si en oubliant l'affectif, elle daignerait lui répondre, mais les bourrasques noient ses appels à l'aide, comme s'il n'avait jamais ouvert la gueule. A un moment, Ephraïm agite son bras vers une destination obscure mais Candy ne le voit même plus : son regard est tourné vers l'obscurité des bois, à la recherche d'une silhouette humaine. Continuer de chercher sa mère serait suicidaire. Il se perdrait en moins de dix minutes et mourrait au bout d'une heure, si le froid était clément. Il retient des larmes de rage - espère que sa mère n'est jamais allée dans les bois, qu'elle s'est rendue directement au gymnase et qu'elle l'a oublié, comme d'habitude.

L'enfant béni à ses côtés prononce des mots mais Candy les entend à reculons.
- Tu penses que je sais forcer les portes ?, s'étonne t-il.

Parce qu'il vit dans une caravane ?

A vrai dire il n'a pas besoin de bien forcer; il suffit de pousser. Les bourrasques ont déjà détruit le loquet. Il laisse Ephraïm s'engouffrer dans la cabane et referme la porte, sent les tremblements du bois pourri sous la force du vent. Allen lâche un soupir de soulagement : c'est un abri de chasseur, avec un peu de chance, il y a de quoi à passer la nuit en sécurité. La première chose qu'il fait, c'est retirer sa veste et ses chaussures : il pourrait les essorer, tant la neige a déposé sur ses vêtements une humidité glaciaire.

- Quelqu'un sait que tu es ici ?

Sans doute Ephraïm a été moins bête que lui et que d'ici quelques heures, les flics se mettront à leur recherche. Ceci étant dit, Candy retourne la cabane à la recherche de choses utiles : le chasseur était, semble t-il, un minimaliste. Un matelas et des couvertures, des boîtes de conserves, de l'alcool. Pas de quoi à faire du feu, ni même de quoi à se changer.

- Tu devrais au moins enlever tes pompes, conseille t-il, sinon, tu vas perdre un doigt de pied.

Il dévisse le bouchon du whisky bon marché.

- Quoi ? C'est la manière la plus rapide de se réchauffer, hein.

S'il devait quitter ce monde prématurément, hors de question que cela soit sobre.  

Candy Allen malaxe la peau tendre de ses joues avec la pulpe de ses doigts pour les réchauffer; habituellement tannées, elles sont à présent écarlates, maltraitées par le vent assassin. Il s'est approché de l'extérieur, a le nez collé sur les carreaux glacés d'une fenêtre crasseuse. Quand bien même la tempête n'aurait pas rugi dans la forêt, la fenêtre était si sale que Candy n'aurait pu observer âme qui vive, ou qui meurt, d'ailleurs.  

Il se retourne alors vers la seule personne encore vivante, avec lui, prend le temps de détailler le jeune homme, quitte à le mettre mal à l'aise. Ephraïm a un prénom aussi long que ses membres gringalets, remarque Candy, alors que son compagnon de galère se rétracte dans ses frusques que le croupier jugeait plus que ringardes. En espérant que la tempête les ait réduites en charpie, ces immondices aux couleurs désespérantes !

Il se contente d'hausser la tête à l'écoute de l'histoire du chien. Il ne va pas s'amuser à débattre de ce qui est idiot ou pas, pas lui, qui s'est lancé à la poursuite de sa mère en pleine tempête !

- Dis pas n'importe quoi, ton père peut pas s'en foutre... proteste faiblement Candy, troublé par ces mots qui lui sont jetés à la figure.

Un représentant de la déité est forcément un mec décent, non ?

- Tu en as beaucoup, des frères, ça doit représenter du travail. Tu devrais peut-être leur mettre une laisse, conseille Candy, à la fois jaloux et agacé par ces gens qui ont les tripes d'assumer leurs responsabilités.

Candy s'entoure de ses longs bras, se réchauffe comme il peut. Il a les larmes aux yeux à cause du froid, c'est ce qu'il se dit. Il ne veut pas céder à la peur. Il ne veut pas donner le coup de pied qui fera s'écrouler le barrage que sa raison a mis de travers de lui et de la pensée suivante : Maman va mourir. Il ne répond pas à Ephraïm. Espérer n'est jamais assez. Alors, il s'empare du whisky et embrasse le goulot de ses lèvres toujours un peu trop carmines pour être celles d'un homme. Le verre contre ses lèvres saignantes le fait frissonner et il avale une longue gorgée, sans s'interrompre.

Finalement, il tend la bouteille à son compagnon. Le goulot est tartiné de morceaux de crème couleur coquelicot.

- Vous devez pas être les plus gros fêtards du campus, en théologie... Y'a une première fois à tout, non ? l'incite Candy en dodelinant de la tête, curieux à l'idée de voir le fils du pasteur se mettre une mine à grands coups d'alcool qui aurait, de son avis, bien plus sa place dans une pharmacie.

Entre l'alcool et la fatigue, son cerveau se décroche un instant et Candy ressent le besoin de s'asseoir, de contempler le plafond et surtout, de ne pas trahir aucune inquiétude avant de répondre à la question qui fâche :

- Je crois que oui. Cette forêt, c'est mon terrain de jeu. Demain, elle sera de nouveau à moi, assure t-il.

L'arrogance d'un jeune homme, on s'en passerait bien en cet instant précis. Cette même arrogance se défile bien vite alors que Candy glisse un nouveau coup d’œil vers la fenêtre, obstruée par des immondices en tout genre. Il soupire. Ce qu'il va demander lui coûte.

- Dis... Ephraïm... Est-ce que tu veux bien prier avec moi... pour Ma... ma mère ? supplie t-il, yeux fermés, visage défait.

Candy n'est rien d'autre qu'un gamin terrifié à l'idée de se retrouver orphelin. C'était inconcevable.  Il ne pouvait pas l'envisager. Sa mère ne pouvait pas disparaître dans l’œil du cyclone.

Une prière la ramènerait vers cette cabane, il voulait fermement y croire.

Il n’aurait jamais cru se retrouver ici. Pourtant, c’était une éventualité. Il avait tendance à foncer tout droit dans les ennuis. Qui plus est, les environs n’étaient pas réputés pour leur stabilité météorologique. Mais tout de même. Il n’aurait jamais cru se retrouver enfermé dans un vieil abri pour chasseur, en compagnie du fils du pasteur. Cela ressemblait au début d’une mauvaise blague, sauf que Candy était incertain quant au fait que la plaisanterie allait bientôt virer à l’histoire d’horreur, vu les regards terrifiants que Ephraïm lui adressait.

Détendait-il parfois ce corps qui semblait prostré, rétracté, malgré la prestance de façade du jeune homme ? Ou est-ce que Candy se faisait cette réflexion uniquement parce que les seules fois où il avait accordé plus d’attention que nécessaire à Ephraïm, consistaient à comprendre la manière dont il fallait se comporter à la messe ? Toujours le cul bien vissé sur le banc, flanqué de toute sa fratrie.

La bouche d’Ephraïm craque comme un arbre desséché et si c’est la seule façon dont il sait rire, Candy ne peut que le plaindre. Il lève les mains en l’air, soucieux de désamorcer une potentielle dispute.

- Je ne voulais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, ment-il en regardant ailleurs.

C’est l’une de ses activités préférées, mais passons.

- Dans le schéma classique des choses, ce n’est pas le chien qui veille sur toi ?

Quel intérêt de s’embarrasser d’un animal si celui-ci ne lui apportait aucun avantage ? Protection ou amour, fidélité ou simple parade contre l’ennui, peu importe, mais autant bien investir son argent… Peut-être que le chien d’Ephraïm les retrouverait, grâce à son flair supérieur de bête.
Et, qu’affamé, il les dévorerait.

Il est surpris de voir son compagnon s’emparer de la bouteille couverte de poussière et d’avaler une gorgée qui ferait trembler n’importe quel non-initié.

- Aha. Te la joue pas comme si t’avais soudainement tout le courage du monde, ironise Candy, qui a le nez collé à la vitre.

L’alcool réchauffe, comme toutes les douces illusions.

La chute n’en est que plus dure. Comme quand Ephraïm se rendra compte que derrière ses airs bravaches, il est suicidaire de faire confiance à Candy Allen. Ils se prennent la main (leurs paument sont si froides que Candy n’est même pas sûr qu’elles se touchent) et Candy répond en silence aux psaumes d’Ephraïm. S’il parle, il ne pourrait dire que « Maman, j’ai peur ». Candy souffre d’un ego plus gros que lui.

La prière ne le rassure pas, bien au contraire.

Il a presque l’impression qu’il a scellé le destin de sa mère. A présent, son sort est remis entre les mains du maître.

Mais il a de quoi à se distraire et c’est, une fois n’est pas coutume, Ephraïm qui le lui offre sur un plateau d’argent.

- Des préjugés ? Toi ? Je n’aurais jamais deviné. Alors, quel genre de mal tu as pensé de moi ?

Aucune agressivité dans sa voix, seulement un amusement qui ne se donne pas la peine d’être discret. Foutage de gueule ostentatoire, mais pas malveillant. Plutôt une mue dont il n'arrive pas à se débarrasser, qui s'est attardée.

Peur… bleue.

Pourquoi la peur a une couleur ? Bleu roi, bleu azur, bleu céruléen… A quoi donc ressemble le bleu que revêt de la peur ? Le bleu d’un coup, d’une veine qui cède, d’une marée pourrie par les tempêtes ? Le bleu de la nuit dehors ? Nuit noire, nuit bleue, nuit blanche… Candy se gratte l’arrête du nez.

Il ne répond pas au commentaire d’Ephraïm concernant son chien. Car la seule chose qu’il a envie de rétorquer c’est : si tu crois que ton chien est lâche, tu ne m’as pas bien regardé. Est-ce qu’il est là pour faire pénitence ?

Est-ce que cette cabane isolée est un avant-goût de l’enfer ? Pour seul juge, un putain de mec blasé de tout, à part de Dieu et encore, quelques mois de servitude volontaire et Candy trouve qu’on en a vite fait le tour, du bonhomme – qui le regarde avec un air de mépris comme s’il était la pire des crasses.

Candy se jette à l’eau et Ephraïm retire sa main

Le laisse se noyer

L’a peur de quoi au juste, que Candy la serre si fort, au point d’en devenir inséparables ?

Ce serait cocasse. Le futur pasteur et un pêcheur par excellence. Un duo tragi-comique qui ne fonctionne bien qu’au cinéma.

Il pourrait faire une blague mais les paroles le chamboulent, le déshabillent et le laissent tout nu.

Candy est choqué, il ne répond rien. Toutes les ironies du monde s’emmêlent dans sa bouche, forment un marécage de souvenirs. Ce qu’on pense derrière nous ne l’est jamais réellement. Qu’est-ce qu’il peut dire de toute façon, qu’il a commencé à martyriser les autres pour se défaire de ses propres chaînes ?

Cela ressemble à des excuses recrachées et il est certain que cela n’affectera pas Ephraïm. L’enfant béni est déjà au ciel et a laissé les autres derrière lui.

(On devrait se reposer)

- Oui. On ne gagnera rien à tourner en rond, c’est vrai.

Sa vexation transparait dans sa voix.

Amis ? Il n’en sait rien. Candy n’aime pas faire une croix d’emblée sur les choses, mais bon…

- Au moins après cette nuit infernale, on ne sera plus ennemis, plaisante t-il, lui aussi prisonnier de sa couverture, affalé sur le sol humide.

Un ange passe. Le vent fracasse le toit de la vieille cabane. Un miracle que les années ne l’aient pas plus amochée.

- Dis-moi... est-ce que tu crois que la Rédemption passe forcément par... gêné, il désigne le toit de la cabane, ou plutôt, celui qui règne au-delà. J'ai commis une erreur que je ne crains de pouvoir expier par la prière. Je ne sais pas quoi faire. Je ne sais pas où chercher. Il s'interrompt quelques secondes. Ça a l'air simple pour toi. Tu sembles exemplaire. Quand bien même tu ne serais pas le fils du pasteur, on ne pourrait te reprocher quelque chose.

Il supporte mal la vérité, Candy. C’est un poignard affûté, qui ne tranche que les egos les plus délétères, les armures les plus fantasmées. Cette image séduisante qu’il a construit n’oblitère en rien son défaut le plus primaire : son incommensurable lâcheté. Si lâche qu’il ne sait même plus qui est le marionnettiste et la marionnette ; la part de jeu et la part d’authenticité. Qui saurait dire, à l’exception de Gigi ? Qui a pris le temps de gratter les filaments de cire autour de ses mots, qui a osé regarder au-delà du personnage qu’il a fait s’élever d’une plaine d’argile ?

Pourtant, l’idée que quelqu’un lui inflige une correction seulement en mentionnant ses torts et ses faiblesses, l’insurge autant qu’elle le séduit. Cela le prend au dépourvu. Pendant un instant, il a vu Ephraïm tel qu’il l’est réellement, tels qu’ils étaient tous : des animaux qui devaient se retenir à tout instant de mordre.

- La première ou la dernière, ironise Candy en lui faisant un clin d’œil, comme pour noyer son propos.

Comme pour avouer que lui aussi, les imagine difficilement amis. Ils sont aux deux bouts d’une ligne – infinie, dont le point central ne fait que s’éloigner au fur et à mesure qu’ils tentent de se rencontrer. Les paroles d’Ephraïm lui accordent un instant de réflexion : lui mettent le coup de pied au cul tant attendu pour qu’il brave les abîmes qui défigurent la plaine déserte qui les sépare.

- Pourtant l’intérêt de la région n’est t-il pas de pêcher pour se faire pardonner ?

Candy dans son interrogation candide est sincère, il n’a jamais compris la prompte passion des hommes de foi pour l’autoflagellation. A moins qu’ils n’y trouvent une forme de plaisir bien particulière, mais au-delà, Candy n’arrivait pas à comprendre ces pardons et ces repentis qui n’en finissaient pas.
Son erreur ? Il frissonne. Il pourrait refuser de répondre. Se draper dans sa fierté. Il est sûr qu’Ephraïm n’insisterait pas. Et pourtant… pour la première fois de sa vie, Candy Allen ressent le besoin de partager ce fardeau.

- Au lycée… avec ceux que je pensais être mes amis… nous avons fait du mal à un garçon. Je voulais juste m’intégrer au groupe, qu’on cesse de me harceler… je me suis dit qu’il fallait devenir le chasseur et me désigner une proie. C’est allé loin… je m’en veux… et je ne sais pas comment me pardonner ni avancer… et j’ai peur d’approcher ce garçon de nouveau. Peur de l’avoir détruit à jamais. Je n’ai pas d’excuses. Je veux juste savoir comment vivre avec, confesse Candy, bien heureux que la pièce unique de l’abri soit plongée dans une noirceur épaisse.

Il renifle.

- Il n’y a pas que Dieu je sais. Mais qui va m’accorder ce pardon si je suis incapable de le faire ? Il n’y aurait que lui.

Même le garçon en question ne le pourrait : Candy sait pertinemment qu’il s’agit d’un cheminement intérieur. Il n’est pas un fanatique. Mais il est si facile de mettre sa guérison dans les mains du Seigneur.

- C’est vrai. Au moins, personne n’attend rien de moi, concède Candy, interloqué et touché par les aveux d’Ephraïm. Peut-être que tu devrais un peu plus te moquer de ce que pensent les gens. Je suis certain que des hommes de foi fantasques ont existé.

Ils ne pouvaient pas tous êtres chiants à mourir, non ? Après tout, les moines étaient des grands producteurs de vin et de bière, alors, Candy avait des doutes en ce qui concernait la réelle frugalité de l’existence monastique.

Sortir du moule, Candy sait ce que ça fait - de se démarquer sans réellement le vouloir, à l'âge où la différence ostentatoire n'est jamais rien d'autre qu'une tare. Lui, la grande liane minaudante, ronronnements féminins souvent mal acceptés par ses pairs, avec ses vêtements parfois révélateurs, souvent très moulants, ses chemises en soie dénichées à la friperie à quelques kilomètres de là, bouffantes au niveau du torse car auraient dû s'y ranger une paire de seins dans l'esprit de la couturière.

Pendant une année, il avait joué le jeu de ses camarades et avec son petit charme naturel, s'était frayé un chemin au sein de leur microsome viril et sans concession, où l'on gardait sa place en excellant au basket-ball et accessoirement, en tourmentant les autres. Candy n'était pas un monstre et pourtant, il avait fait preuve d'un acharnement et d'une malice dignes d'une créature maléfique.

Bizarrement, les mots de réconfort d'Ephraïm n'ont pas l'effet attendu. La perspective d'attendre un coup de pouce de Dieu, le terrifie. Et si celui-ci ne venait pas à son secours ? Et si la providence ne lui permettait pas de se racheter ? Et si son futur n'était pavé que de remords et de regrets ?

- Ainsi tu fais parti de ceux qui pensent que les gens peuvent changer du tout au tout. J'aurais cru le contraire, s'aventure t-il, avide de dévier la conversation, devenue embarrassante, certes, de son propre fait.

Ephraïm semble capter son signal de détresse et se lance dans une description étonnamment longue de ses centres d'intérêts et du pourquoi du comment il ne peut pas se permettre d'être totalement lui-même. Candy se sent bête d'avoir pu songer que les seules choses qui retenaient l'attention du jeune garçon étaient la théologie et les prières.

- J'aime la nature aussi... murmure Candy. Même quand elle est comme ça.

Ça, c'est à dire les tempêtes dont on peine à ressortir vivant, les chiens idiots et les madonnes qui disparaissent dans le cœur des forêts.

- Mais... ton père ne comprend pas que tu es adulte ? Personne n'est totalement rigide et incorruptible... ce n'est pas une vie... A trop s'accrocher à ses principes on finit par ne plus voir la réalité, je le crains, théorise Candy en songeant qu'il dépasse peut-être les bornes.

Mais ce manque d'empathie et de compréhension de la part d'un homme qui au final, fait tout de même dans le social, le sidère.

- Hummm... J'aime fouiller et récupérer des choses dont plus personne ne veut. J'aime le jazz et le basket-ball, mais ça fait très longtemps depuis ma dernière partie. J'aime traîner avec ces illuminés de Sasquatch pour leur prouver que leurs délires ne tiennent pas debout, avec une méthode scientifique à l'appui, bien entendu...