Je suis le genre à avoir un jour préféré. Souvent, les gens aiment bien le vendredi, mais uniquement le vendredi soir. Le week-end est le nouveau dimanche de l’Amérique moderne. On aime ces journées d’inactivité, où on renaît et on redécouvre qu’on est autre chose qu’une fonction ou que quelque chose d’abstrait comme un matricule ?
Moi, je m’en fous de tout ça. Je suis étudiant et ça me permet d’élever mes papillons et mes chenilles sans passer pour un weirdo qui passe bien leurs petits poils tout doux. Je comprends pas les gens qui ont des chats quand on peut avoir une belle et douce chenille affectueuse, qui se pavane la journée avec son corps tout boursoufflé en mangeant de l’herbe.
Moi, je mangeais le sol pendant qu’on me boursoufflait le corps, vous voyez ? Aucune différence entre moi et la chenille. Alors, c’est pour ça que j’adorais le dimanche. Quand je venais dans l’Église, je revoyais tous les saints de ce monde, ma belle paroisse. C’est grâce à eux qu’un jour, on arrêtera de penser que Dieu c’est un connard de chat, ou une coccinelle. Même l’allégorie des poissons me donnait de l’urticaire. Sur Terre, je suis persuadé que Dieu serait à l’aise. Puis je refusais de le manger. Du coup, je mangeais pas de poisson. Boire son sang me suffisait, car j’espérais qu’il remplace à long terme le mien tout pourri.
Je dis bonjour au pasteur, qui m’accueille avec son signe habituel de hop je lève les bras et je te fais une accolade. A chaque fois, j’aime bien, parce que je peux toucher son épaule, et c’est tout chaud comme la peau humaine. Je souris, et pourtant, je vous jure que c’est rare avec ma tête de moche que je me traîne à chaque fois, autant tirer la pokerface au moins je déforme rien du tout. Puis au moins, j’aurai pas de rides d’expressions.
On verra bien qui rira le dernier à soixante ans, les cool kids.
Quand je vois les grandes statues, je me sens toujours tout petit. Aller à l’Église, c’est me sentir humble face à la puissance de toutes ces personnes. Elles sont toutes mortes pour nous, et c’est fou.
Mon passage obligatoire, c’est Sainte Blandine. Je la respecte, elle. Balancée aux bêtes, elle avait tellement de classe qu’elles voulaient pas la buter. Alors l’humain l’a torturé, puis finalement c’est un taureau qui l'a soulevé en l'air (à défaut que ce soit moi, d'une autre manière, oups) pour finalement être égorgée.
Balancée dans un cirque géant, je pouvais pas m’empêcher de me rapprocher d’elle, parce que j’avais souvent l’impression d’être le clown malgré moi, et j’avais surtout l’impression d’être posé sur son grill géant plutôt qu’être une star de cirque.
J’étais tout ému, mais je préférais pas le montrer parce que ça fait un peu tapette. Je vais prendre un cierge, et je l’allume pendant que je me pose devant son image.
« Tu viens parler d’ta vie d’merde au petit Jesus tout nu ou tu viens sniffer d’la cire en cachette parce que tu trouves ça chouette ? »
Je me retourne, furieux. Ma main vient se coller sur ma bouche, signe que je suis outré parce qu'elle est zinzin.
« Oh tu te prends pour qui pour parler mal devant Sainte Blandine, toi ? »Je la regarde (pas la rouss… Attendez).
Je me retourne vers l’inconsciente qui m’a parlé et je vois son visage. Elle est rousse, et elle est croyante, ce qui nous fait déjà deux points en commun. La seule différence, c’est qu’elle, elle est belle et que moi, le roux ça me fait des sales tâches de partout sur le corps et que c’est moche. La varicelle, c’est hype que quand on a 8 ans, et même à 8 ans, on me tenait pas la main.
Je la prends par la main et la tire hors d’atteinte de ma chérie Sainte Blandine.
« Faut pas parler comme ça, y a un truc saint dans ce monde et c’est cette Eglise. Puis d’abord, pourquoi je mettrais de la cire de bougie dans mon nez ? T’en as des idées toi, t’es bizarre. La cire, c’est fait pour fondre, pas pour le nez, voyons. »Je comprends vraiment pas ce qu’elle me dit en plus. Déjà, sniffer, quelle drôle d’expression. Pourquoi j’aurais besoin d’utiliser de la cire en cachette, c’est légal dans une église. Je croise les bras, très déçu par le comportement de cette gamine, que je vois un peu trop ici et que je comprends toujours pas ce qu’elle y fout pour parler comme une chartière devant la plus belle femme qui n’ait jamais existé.
- Spoiler:
oulah j'ai mis ma vie à répondre, mille pardons, j'ai eu une grosse panne d'inspi début confinement, déso