(contexte) bluer than velvet was the night.

La nuit tombe sur Stevenson, et très vite, l'enveloppe toute entière d'un voluptueux brouillard. Peu à peu, les quelques rues de la petite bourgade se vident. Les âmes qui les peuplent le jour se réfugient derrière leurs fenêtres, à travers lesquelles la lumière jaillit encore sur le bitume humide jusqu'à ce que s'abattent d'épais rideaux.
Mais à l'heure où sonne minuit, quand les honnêtes gens ont rejoint leurs chambres feutrées, la ville ne dort pas. Les adolescents rêvent à des jours lointains allongés sur leurs draps pastels, walkman inévitablement vissé sur les oreilles. Pendant ce temps, leurs parents se contentent d'une nouvelle petite pilule pour s'assurer, enfin, le sommeil, avant de se glisser dans leurs lits glacés, parfumés à la lessive bon marché. Les somnambules se resservent un dernier café au Diner du village, assommant qui veut bien les écouter d'histoires abracadabrantes et de souvenirs d'antan ; on parle aussi bien d'une apparition de bigfoot et d'une tempête de grêle annoncée pour le lendemain. Le vent souffle dans les cimes, les branches craquent, une chouette hulule.
Minuit. C'est l'heure des rendez-vous interdits à l'abri des pins centenaires, des transactions secrètes dans des cabanons que tous présument abandonnés, des escapades clandestines vers des ailleurs de pourpre et de satin où l'on ne vit que le temps d'une nuit.
Demain, tout semblera n'avoir jamais existé – mais pour le moment, tous se coulent et se prélassent dans la nuit bleu velours.