Nouveautés // Le forum revêt sa troisième version, grâce à notre Albi national ! Toutes les nouvelles en cliquant ici.
nous soutenir // n'hésitez pas à voter sur les top-sites ou laisser un mot sur bazzart pour soutenir le forum !
Le Deal du moment :
Cdiscount : -30€ dès 300€ ...
Voir le deal

Partagez
 

 self-portrait in three colors (épistolaire - albi)

Aller en bas 
AuteurMessage
Ambrose Atkins
Ambrose Atkins
☾ ☾ ☾
Télégrammes : 120
Date d'inscription : 02/03/2020
Alias : smanffson // elle
Portrait : caleb l. jones // bandit rouge
Disponibilité : autant que possible
self-portrait in three colors (épistolaire - albi) Tumblr_p292zeWsFN1rqs8yao2_500
Âge : 22
Rumeurs : askip il aurait choppé le sida en couchant avec un gars ou mauvaise transfusion sanguine suite à un accident de voiture. En attendant, c'est l'idiot du village qui casse les pieds
Occupation : élevage de chenilles et biologie
Communautés : la paroisse // choriste au colombia chorus

self-portrait in three colors (épistolaire - albi) Empty
MessageSujet: self-portrait in three colors (épistolaire - albi)   self-portrait in three colors (épistolaire - albi) EmptyMar 28 Avr - 14:45

Spoiler:

« Cher Journal,
Je sais pas réellement ce qui m’a pris. Aujourd’hui, je me suis senti seul. Tu me diras bien que c’est souvent le cas. Je te répondrais ta gueule. Je me prends souvent les mains en public, parce qu’au moins, moi aussi on me tient la main. Je dors en cuiller en compagnie d’un oreiller. Je me surprends à faire des parts pour deux quand je fais à manger. J’espère peut-être que la voisine avec ses cheveux blonds et très longs vienne me voir, toute enjouée à ma porte, en me disant à demi mots que je suis un beau gosse et qu’elle adorerait me baiser après un bon repas.
La vérité, c’est que ça arrive pas, parce que j’ai vu qu’elle était avec un gars de ma promo qui fait du basketball, et que je les entends la nuit s’amuser pendant que moi je parle à Capucine la chenille.

J’ai sauté le pas. Je te jure. J’ai été voir un collectif de personnes isolées. Apparemment, y a un système de correspondance anonyme. On peut y déposer des lettres, et l’assos nous sélectionne un partenaire épistolaire. Je me dis que c’est une bonne idée. Je coince une personne avec moi, condamnée à me parler. C’est une mince affaire. Au moins, je rencontrerais sûrement quelqu’un.

J’ai donc écris ça. »

« Salut.
Je sais qu’on se connaît pas. Je m’appelle Karen. Karen Jones. Je viens d’arriver en ville. Je viens de New York, et je suis artiste peintre. J’ai 22 ans. Etant nouvelle, j’ai peur de pas m’habituer à cette ville. On dit souvent que les petits villages sont un peu hostiles envers les petits nouveaux, donc loin de moi l’idée de me faire croquer dès mon arrivée par des personnes mal intentionnées.
Je présume que si tu participes toi aussi à cet échange, c’est que tu dois être dans la même situation que moi. Je cherche la sincérité, car j’ai beaucoup de mal à la trouver. Les New-Yorkais ne l’aiment pas.
Je t’ai mis mon adresse sur l’enveloppe. Je suis dans une situation un peu délicate : un ami m’héberge pour le moment pendant que je cherche un appartement ou une maison ici. Envoie moi de tes nouvelles sur mon lieu d’études : l’Université de Stevenson. Je les lirais avec plaisir !

Je suis très impatiente de faire ta connaissance !
Je t’embrasse,
Karen. »


« Cher Journal,
Je sais ce que tu te dis. Karen. Sérieusement Ambrose. Je te pensais pas capable de tomber aussi bas.
Pour être honnête, je sais pas trop pourquoi je me suis fais passer pour une meuf. Pourtant, j’ai rien à gagner. Hahahahaha … C’est quand même marrant. Je te vois, journal. Ne va pas croire que je fais ça pour attirer de jeunes mâles attirés par la petite nouvelle du village. Calme toi. C’est faux. Après tout, je suis pas du genre à mentir, tu sais bien. Je fais parti des honnêtes gens de cette ville. Je … Je fais une expérience sociale, tu vois ? Je regarde si les gens me parleront plus si j’incarne une femme. Peut-être que les filles ont moins peur. Peut-être que les garçons viennent plus.
J’en sais rien.
Mais dans tous les cas, je suis curieux, et j’espère que mon correspondant sera sympa. »
Revenir en haut Aller en bas
https://bleuvelours.forumactif.com/t159-goodbye-pork-pie-hat-triple-a-ambrose https://bleuvelours.forumactif.com/t178-thug-tears
Invité
Invité
Anonymous
☾ ☾ ☾

self-portrait in three colors (épistolaire - albi) Empty
MessageSujet: Re: self-portrait in three colors (épistolaire - albi)   self-portrait in three colors (épistolaire - albi) EmptyMar 28 Avr - 17:51

J'ai eu une idée un peu folle qui a fait sourire Brynhild la semaine dernière à table. Johannes jamais j'aurais pu lui dire ! Mais Brynhild je pouvais parce qu'entre nous il y a cette complicité qui nous permet de partager ce genre de confidence. "Je vais écrire des lettres à un inconnu !" Je l'ai dit haut et fort (pas trop, on était dans le salon) pendant qu'elle préparait le repas de midi. Une salade de pommes de terre -- kartoffelsalat, mais ça je le garde pour moi. Elle m'a demandé d'où ça me venait cette idée, et j'ai répondu : "En ville il y a une association qui permet d'écrire anonymement. J'aimerais bien essayer." Il n'y avait pas d'engagement, je pouvais arrêter quand bon me semblait. Et puis ce serait pour discuter et me faire des amis, alors ce ne serait pas très grave.

C'est là que je me suis dit que je ne pouvais pas garder mon nom. Car si on avait su qu'un Edelstein j'étais, jamais je n'aurais pu participer, et de toute façon c'était très bien ainsi. "Je vais devoir trouver un nom et un prénom. Qu'est-ce que tu choisirais à ma place ?" On a alors réfléchi très sérieusement autour du reste de pommes de terre. Aux noms que je côtoyais sur les bancs de l'école j'ai pensé, quelque chose qui fasse très américain et qui n'aurait fait lever aucune paire de yeux lors des présences en classe. J'ai rayé les combinaisons de prénoms qui n'allaient pas avec le nom, ou bien dont j'ai réalisé qu'elles appartenaient déjà à quelqu'un. La mine de mon crayon a fini par se poser en fin de liste. J'avais choisi.

La suite s'est faite naturellement. J'ai retourné un courrier auprès de l'organisation à l'origine de cette activité épistolaire et puis on m'a envoyé le formulaire d'inscription. Les informations où je pouvais mettre celles de quelqu'un qui n'existait pas je l'ai fait, tout en veillant à ce que le tout reste probant. C'était quelque chose d'écrire un autre nom que le mien dans le champ d'identité, et quelque part je me suis senti un peu mal à l'aise de faire ça. Mais j'ai rapidement éludé le sujet.

Et j'ai reçu ma première missive.

Dans un état extatique, les doigts tremblants sur l'enveloppe, à tirer la lettre de son contenant comme si du plus fragile des verres c'était. Une écriture noire à la police marquée, comme quelqu'un qui serait habité d'un fort désir de quelque chose. J'ai lu attentivement, dans ma chambre, assis sur l'édredon. Et je n'en pouvais plus de relire encore et encore ces mots qui n'étaient pas directement adressés à moi, mais dont je me persuadais intérieurement. La dernière fois où mon cœur a battu si fort, c'était peut-être devant Brazil.

À la toute fin de ma lecture j'ai pris mon temps, je n'ai pas répondu tout de suite. Il fallait que je patiente, que je décante ce que j'avais découvert. Karen ! Karen !... Le même âge que moi, artiste peintre venue de New York, une ville que j'ai toujours pensée être incroyable. Karen me partage aussi ses craintes : elle vient d'arriver en ville ! Et elle habite chez un ami à elle...

Finalement, je n'ai pas attendu très longtemps. J'ai répondu, avec la plus belle écriture que je pouvais. Il fallait faire ça bien.


28 avril 1987


Chère Karen,
Il me fait très plaisir de lire tes mots. Je me présente, je m'appelle Joshua Thompson, et je suis encore surpris de découvrir que nous partageons non seulement l'âge, mais également le caractère esthète et l'amour des échanges authentiques. Quant à moi je suis auteur de petites nouvelles sans prétention qui écris dès que vient l'inspiration. J'espère avoir un jour la chance d'admirer ton travail et de discuter davantage avec toi. Stevenson est une ville qui a son charme, sa forêt est très belle ! Peut-être un jour pourrai-je te montrer. Pour le moment je souhaite que tout se passe pour le mieux de ton côté et que tu prennes doucement tes marques.

J'ai consigné une adresse au dos de l'enveloppe : il s'agit de celle du North Bank Books & Records, le libraire. J'y récupère mon courrier.

En attente de tes nouvelles...
Chaleureusement,
Joshua


À la fin de mon "a", je dépose le stylo contre le bureau et plie soigneusement le papier pour le pousser au fond de l'enveloppe.

Il va falloir que je m'y fasse, à mon nouveau prénom.
Revenir en haut Aller en bas
Ambrose Atkins
Ambrose Atkins
☾ ☾ ☾
Télégrammes : 120
Date d'inscription : 02/03/2020
Alias : smanffson // elle
Portrait : caleb l. jones // bandit rouge
Disponibilité : autant que possible
self-portrait in three colors (épistolaire - albi) Tumblr_p292zeWsFN1rqs8yao2_500
Âge : 22
Rumeurs : askip il aurait choppé le sida en couchant avec un gars ou mauvaise transfusion sanguine suite à un accident de voiture. En attendant, c'est l'idiot du village qui casse les pieds
Occupation : élevage de chenilles et biologie
Communautés : la paroisse // choriste au colombia chorus

self-portrait in three colors (épistolaire - albi) Empty
MessageSujet: Re: self-portrait in three colors (épistolaire - albi)   self-portrait in three colors (épistolaire - albi) EmptyMer 29 Avr - 20:11

« Cher Journal,
J’ai reçu une lettre, hier. J’étais un peu surpris. Je pensais pas que j’étais loin d’être le seul paumé de tout Stevenson. Je me félicite d’avoir pris un autre nom. Personne ne saura qu’Ambrose Atkins cherche des amis par des associations digne des retraités sans frontières.
Il s’appelle Joshua et pense que je suis Karen, l’artiste peintre New Yorkaise. De son côté, il écrit des nouvelles, et j’avoue ne pas être le genre de gars à fantasmer sur des artistes. La vie bohème m’effrayait et me fascinait. L’idée de ne pas avoir de revenus fixes me semblait hors de propos. Je pouvais me faire expulser de chez moi, et je savais que dans la rue, je faisais pas long feu. J’avais pas envie de mourir dans les bras d’un pauvre clochard qui me pensait dealer de meth. Par contre, il aimait la forêt de Stevenson, et je pouvais résolument pas me dire que je l’avais déjà croisé. Tout le monde venait s’y perdre et personne ne se croisait. C’était le mystère du trou noir de Stevenson.
Il avait un style un peu lyrique, celui des grands artistes. Moi, je m’en foutais un peu. Cher Journal, sais-tu ce que ça veut dire, esthète ? On dirait une propriété de liquide. Je suis pas un littéraire. Je me mets ma plume de l’imposteur pour lui répondre, quand même. C’est pas très chic de ne pas répondre à un jeune homme. Quitte à mentir, je préférais le faire jusqu’au bout. J’ai pris quelques mots du dictionnaire pour faire classe, il avait l’air d’aimer la littérature. Je maniais mieux le feu et les loupes que les mots, moi. »

« Cher Joshua,
Je suis ravie de faire plus amplement ta connaissance. Je ne connais pas encore la forêt de Stevenson, j’ose assez peu y aller. Il y a peut-être des monstres, qui sait, on parle beaucoup de sasquatshs ici. J’ai nulle envie de me battre contre une terreur pareille, vois-tu.
Je trépigne d’impatience de lire tes écrits. J’aime beaucoup la littérature également. Nos âmes d’artistes égarées sont sans doute destinées à se rencontrer, mon cher Joshua. Hélas, pour le moment, je préfère les correspondances mystérieuses plutôt que les rencontres impétueuses... »


« Cher Journal,
J’avais aucune foutue idée de ce que je racontais mais putain c’est drôle. »

« … Je vois souvent le soleil se coucher à l’horizon vers ces belles cimes. Je suis encore attirée par ces montagnes, où j’imagine moult aventures se profiler. Stevenson me plaît. La ville exalte mon âme d’artiste, et j’espère que mes futurs tableaux seront empreints de ces couleurs pastels. Je peins à l’aquarelle, et c’est ainsi que j’imagine cette ville... »

Cette sale ville, bouseuse, laide, remplie de ploucs ...

« … Elle m’inspire des poèmes et j’espère pouvoir lire les tiens.
Je t’envoie avec cette lettre, en guise d’offrandes à notre future amitié, un rocher que j’ai trouvé dans la rue. Il était doux et difficile à trouver. C’est ainsi que je t’imagine.
Douceur apparente et fragile.
Mystère tangible et subtile.
Je te l’envoie. Je l’ai peinte avec un cercle d’orange symbolisant le soleil que j’espère trouver dans tes lettres. Prends mon espoir et transforme le en or… »


Qu’est-ce que je branlais moi. Je voulais juste me marrer parce que Karen était ridicule et bordel, Karen, sérieux.

« Je t’envoie mes plus profondes inspirations pour nos arts respectifs.
Respectueusement, en espérant pouvoir, dans un futur proche, utiliser le terme cordialement,
Karen. »


Je me pointe chez le libraire, qui attendait au milieu de tous ses livres. Lire que des auteurs morts, autant pratiquer la nécromancie, c’était à la mode à Stevenson. Je lui transmets ma lettre. Il avait l’air de tenir un relai pour cette association. Heureusement, j’avais visé une capuche sur ma tête et mis des lunettes de soleil en hiver. Avec ça, j’avais trop de classe. Je me tire en portant mon poids sur la gauche et la droite. Il fallait que je sois discret, que personne ne remarque qu’Ambrose Atkins participait à un jeu aussi stupide mais aussi plaisant. L’idée que quelqu’un me rencontre sans voir ma gueule m’enchantait.
La revanche des moches avait sonné.
Revenir en haut Aller en bas
https://bleuvelours.forumactif.com/t159-goodbye-pork-pie-hat-triple-a-ambrose https://bleuvelours.forumactif.com/t178-thug-tears
Invité
Invité
Anonymous
☾ ☾ ☾

self-portrait in three colors (épistolaire - albi) Empty
MessageSujet: Re: self-portrait in three colors (épistolaire - albi)   self-portrait in three colors (épistolaire - albi) EmptyJeu 30 Avr - 18:51

Karen, oh, Karen...

J'ai pensé toute la nuit à cette première lettre que j'avais lue d'elle, et je me suis dit que j'avais peut-être enfin trouvé quelqu'un qui me comprendrait. Alors j'attendais avec grande impatience son retour ; qu'allait-elle répondre à mes mots ? Joshua allait-il lui plaire ? Pourrais-je un jour voir la couleur de son art ? Je... j'ai osé m'imaginer pendant un court instant le son de sa voix. Puis je me suis souvenu que je ne pouvais pas faire ça, sinon j'allais me faire du mal.

À la réception de sa deuxième missive, mon sang ne fit qu'un tour. Toujours je retournais à ma chambre pour déguster ce cadeau, ce miracle qui arrivait sans date précise au libraire et que je pouvais aller chercher comme une surprise, comme quelque chose qui n'est destiné qu'à moi. Je n'en peux plus d'attendre, je découpe l'enveloppe et mes yeux ne quittent plus les lignes marquées au noir. Toujours ce même noir, toujours cette même police acharnée. Karen, est-ce donc là toute la force de ton caractère ?

(...)

Elle parle tant. J'arrive à comprendre, à visualiser ses mots. Il n'y a pas une seule phrase que Joshua n'aurait pas envie de souligner pour en apprendre plus. Karen me dit qu'elle préfère les correspondances mystérieuses aux rencontres impétueuses et quelque part cette nouvelle me ravit. Jamais je ne pourrai lui dire que je ne peux pas accepter de la rencontrer. Stevenson lui plaît, et peut-être même l'ai-je déjà croisée ces derniers jours. Cette idée me rend fou. Quand je suis en ville je ne peux m'empêcher de me dire que cette fille là-bas ou celle-là assise au Diner pourrait s'appeler Karen. Je ne demande jamais, mais j'ai l'oreille qui traîne. Qui attend d'entendre quelqu'un appeler "Karen".

3 mai 1987


Chère Karen,
Une fois de plus je me réjouis de tes mots. Comment vas-tu aujourd'hui ?
Je m'intéresse de près à Sasquatch mais sans avoir jamais osé m'y attarder davantage ; à moi aussi il me fait peur. Pourtant il nourrit en mon esprit un imaginaire absolu qui me fait écrire et m'inspire. Quels genres de lectures aimes-tu ? Peut-être avons-nous des auteurs en communs. Connais-tu "Le Mariage du Ciel et de l'Enfer" de William Blake ?

L'aquarelle est une technique fabuleuse et j'ai ouï dire qu'il s'agissait aussi d'un médium particulièrement délicat à maîtriser. Je t'admire pour cette capacité. Qu'aimes-tu peindre ? Les paysages ? Les visages ? Que ressens-tu au moment de poser le pinceau sur la toile ? Je me suis toujours posé la question. J'espère te faire lire un jour mes écrits, mais j'admets être sur la réserve : je n'ai jamais partagé mes envolées écrites à qui que ce soit... Mais j'ai bon espoir de pouvoir t'apporter ce soleil dont tu rêves. J'ai bien reçu ta petite attention et elle me touche beaucoup, je l'ai exposée sur mon bureau pour que tes pensées m'accompagnent. Elles me donnent du courage.

Je prie pour que cette rose qui escorte ma lettre offre un tant soit peu de chaleur dans ton quotidien.
Tendrement,
Josh


Je n'aime pas approcher l'école de Stevenson, elle me rappelle trop de mauvais souvenirs. C'est pourtant avec hardiesse que je m'y rends, tôt le matin, pour y déposer mon colis dans la boîte aux lettres. Je crois que personne ne m'a reconnu avec mon chapeau et mes lunettes.
Revenir en haut Aller en bas
Ambrose Atkins
Ambrose Atkins
☾ ☾ ☾
Télégrammes : 120
Date d'inscription : 02/03/2020
Alias : smanffson // elle
Portrait : caleb l. jones // bandit rouge
Disponibilité : autant que possible
self-portrait in three colors (épistolaire - albi) Tumblr_p292zeWsFN1rqs8yao2_500
Âge : 22
Rumeurs : askip il aurait choppé le sida en couchant avec un gars ou mauvaise transfusion sanguine suite à un accident de voiture. En attendant, c'est l'idiot du village qui casse les pieds
Occupation : élevage de chenilles et biologie
Communautés : la paroisse // choriste au colombia chorus

self-portrait in three colors (épistolaire - albi) Empty
MessageSujet: Re: self-portrait in three colors (épistolaire - albi)   self-portrait in three colors (épistolaire - albi) EmptySam 2 Mai - 17:46

tw : alcoolisme compulsif

Je reçois une seconde lettre.

Evènement banal, en soit. Je préférais toujours recevoir une gentille attention d’inconnus plutôt qu’une lettre des impôts. Qui ne préfère pas, à part les masochistes administratifs. Cette fois, c’était différent. Joshua suit me...- les élans de Karen, et envoie une fleur.
Je vois la lettre, sobrement signée d’un Josh, et mon sang se glace.
Je devais sûrement me tromper. Il ne ferait pas de choses pareilles. Il avait des personnes sur qui compter. Il avait des amis avec qui rire.
Il avait des victimes à contaminer.

Pour cette raison, j’ai écrasé toutes les chenilles qui portaient son prénom. Elles me méritaient pas d’enterrements. J’ai donc décidé de me débarrasser des corps dans la cuvette des toilettes.
Les déchets retrouvaient toujours les égouts, après tout.

J’ai mis plusieurs jours à répondre à cette lettre, tant cette signature m’avait bouleversé. Je me retrouvais à nouveau à m’envoyer le sang divin dans les veines dès l’occasion s’y présentait. Le midi, parce que c’était bon pour la santé. Le soir, parce que je trouvais toujours un évènement à souhaiter. J’étais pas mort d’un rhume. J’avais écris une ligne. J’avais eu un B en microbiologie. J’avais réussi à nourrir Flipper mon poisson-combattant.
Tout était une fabuleuse occasion de me purifier. Je me couchais avec la douce sensation de chaleur sur mes joues et au cœur, et me réveillait dans une saleté de coque de bateau, avec Charon qui m’y menait, direction les Enfers. Les journées devenaient longues, et des valises sous mes yeux portaient le poids de mes pêchés.

Au bout d’une semaine, je me disais que ce serait bien vu de répondre. Voir son adresse me foutait la gerbe, ou alors c’était mon sang remplacé par l’éthanol.
Qu’est-ce qu’en penserait Karen. Elle ferait quoi, elle.
Karen, elle avait pas le s...
Comme mon quotidien le voulait, les nausées revenaient plus fortes. Ma tête était une vierge de fer vivante. Il me semblait nécessaire de lui demander d’arrêter de signer comme ça. Mais, comment Karen le ferait. Elle était plus délicate et ridicule.

« Cher Joshua,

Je t’admire de t’intéresser à une si monstrueuse créature. J’aurais réellement peur que mon esprit se transforme en créateur aux mille horreurs, ou d’y découvrir une preuve de sa réelle existence … Je ne crois ni aux esprits, ni aux monstres, par simplicité. Je préfère être ignorante que terrifiée … Je tiens à mes nuits, et quelque chose me dit que notre connexion fait en sorte que tu me comprends …
J’apprécie beaucoup Emily Brönte. Je pense que quelque chose me fascine, et je ne peux m’empêcher d’imaginer quelle auteure formidable elle aurait été si elle avait publié d’avantage d’oeuvres … »


A vrai dire, c’était un bouquin que j’avais lu pour le collège. Je lisais, de temps en temps. L’idée de bouffer des classiques à la cuillère me plaisait bien : on appréciait toujours la culture à sa juste valeur, et ça permettait de pouvoir suivre les discussions de famille. Entre riches, on l’appréciait à défaut de la comprendre réellement.

« … Habiter à Stevenson m’a poussée vers la peinture de paysages. New York est peuplée et admirable pour cette raison. C’est une ville qui fourmille. On y ressent une énergie folle, presque spirituelle. Je ne peux m’empêcher d’imaginer toutes les connections entre les personnes, me dire qu’ils doivent sûrement se connaître via deux ou trois relations. C’est fascinant. Pour cette raison, je peignais beaucoup de portraits. A Stevenson, la ville est une entité, et en peindre les montagnes est en capter l’essence. J’ai l’impression de tirer le portrait d’une personne. »

C’était sûrement la seule fois où j’étais d’accord avec Karen. Stevenson était une ex-compagne chiante. Elle te collait, te regardait, et jamais ne te laissait. Quitter Stevenson, c’était quitter cette femme, et s’attirer les foudres de ses amis. Quand on rencontrait Stevenson, on oubliait les rêves de gloire et de cinéma. L’atmosphère poisseuse de la ville vous suivait et crachait sur vos espoirs pour en dissoudre les dernières cendres. Elle vous condamnait et, intangible, personne n’avait le luxe de pouvoir la poursuivre en justice.
Cette ville était cruelle.

« Quels sont les sujets qui t’inspirent ? As-tu connu des muses, ou peut-être que tu as la chance d’en côtoyer encore ?
Je suis ravie que ma pierre t’apporte courage et attention, je suis heureuse de voir que la mission que je m’étais donnée est accomplie. Ta rose a apaisé mon coeur et je t’en suis reconnaissante. Je l’ai mise dans un vase et prie pour qu’elle ne fane pas trop vite. Je la regarde souvent, et elle est presque devenue une nouvelle présence.

Avec cette lettre, j’ai décidé de t’envoyer une feuille d’érable. Il y en a beaucoup par ici, et ma nouvelle peinture sera axée autour de l’exploitation de ses ridules. Je suis très impatiente de te montrer le résultat ! En te l’envoyant, j’espère pouvoir te partager un peu de mon processus créatif. »


En retournant le problème dans tous les sens, une seule conclusion me venait en tête : Karen avait des idées de merde.

« J’ose utiliser le cordialement, et attend impatiemment de tes nouvelles …
Karen.

PS : Joshua … Joshua … Je connaissais des Josh. Ils ne te ressemblaient pas. Préférons donc Joshua … C’est bien plus joli. »


Allez, hop, plié. J’avais réussi à glisser subtilement mon aversion profonde envers ce prénom de merde et, franchement, j’avais pas envie de me repointer chez le libraire. Il allait me reconnaître, un moment donné. J’envoie donc la gouvernante de mes parents faire la postière à ma place.
Ni vu, ni connu, j’étais insoupçonnable.
Revenir en haut Aller en bas
https://bleuvelours.forumactif.com/t159-goodbye-pork-pie-hat-triple-a-ambrose https://bleuvelours.forumactif.com/t178-thug-tears
Invité
Invité
Anonymous
☾ ☾ ☾

self-portrait in three colors (épistolaire - albi) Empty
MessageSujet: Re: self-portrait in three colors (épistolaire - albi)   self-portrait in three colors (épistolaire - albi) EmptyLun 4 Mai - 22:57

Au début, il m'arrivait souvent de froisser mes premiers jets pour tout recommencer à écrire, car je me trompais de prénom.
Mais plus le temps avance, plus je reçois ses lettres, et plus je me fonds inexorablement dans la peau de ce personnage qui est le mien et dont je crois reconnaître mes traits physiques, la voix et le teint pâle à travers les mots.
Cela m'inquiète et pourtant ce n'est pas moi. C'est quelqu'un d'autre, quelqu'un d'inventé qui n'existe pas. Qui n'existe que sur ce papier que j'enverrai bientôt.

Karen me plaît. Plus je la lis, plus je me dis que si je la rencontrais pour de vrai je pourrais m'entendre avec elle. On pourrait se partager beaucoup plus que des cailloux et des fleurs. Que des mots et des promesses. Elle me fait rêver, j'ai l'impression de voir les paysages de New York quand elle m'écrit. À force je lui ai presque attribué une voix. Elle est plutôt claire et chantante, lointaine et évanescente.

J'ai un peu peur mais je ne sais pas pourquoi. J'ai cessé de parler de tout cela à Brynhild.

10 mai 1987


Chère Karen,
Avant toute chose pardonne-moi de t'avoir troublée avec mon surnom, je ne l'utiliserai plus. Cela me dérange aussi.
Je suis très heureux que mon cadeau te plaise, tu ne peux pas savoir à quel point cela me comble. Je me suis demandé si c'était une bonne chose de te l'envoyer, j'avais un peu peur. Peur de quoi ? Oh je l'ignore. Peut-être que tu trouves ce geste déplacé.

La lecture me fascine et je suis curieux de savoir ce que ta bibliothèque peut bien receler d'autres comme lectures. À l'école, tu sais, j'étais toujours très distrait. Je lisais peu pour l'école, mais je lisais beaucoup pour moi. J'ai toujours pensé que l'on était plus investi dans ses propres recherches et ses propres envies plutôt que dans les obligations scolaires. Je n'ai jamais beaucoup aimé aller à la piscine non plus... Je n'en garde pas un très bon souvenir. Je préférais les matières plus littéraires. Et toi ? Que peux-tu me raconter à propos de ces années-là ? Si tu le désires bien entendu.

Oh si je côtoyais une muse de chair et d'os ce serait bien fantastique crois-le. Hélas ce n'est pas le cas. Je n'ai pas rencontré beaucoup de personnes compréhensives sur mes projets et mes envies, et je ne dessine pas. En revanche peut-être que toi tu aimes esquisser les corps sur le papier ? Cela m'a toujours intrigué, comment faites-vous, artistes, pour dessiner des personnes nues ? Vous demandez ? Vous allez à un endroit spécialisé ? Je rêverais de voir cela. Ce doit être un instant magique que de partager le silence créatif avec un modèle vivant.

Ta feuille d'érable m'apporte une joie sans nom, je la garde bien protégée à l'abri de tout danger. La voir et la toucher me donne l'impression de te sentir à mes côtés.

Délicatement,
Joshua
Revenir en haut Aller en bas
Ambrose Atkins
Ambrose Atkins
☾ ☾ ☾
Télégrammes : 120
Date d'inscription : 02/03/2020
Alias : smanffson // elle
Portrait : caleb l. jones // bandit rouge
Disponibilité : autant que possible
self-portrait in three colors (épistolaire - albi) Tumblr_p292zeWsFN1rqs8yao2_500
Âge : 22
Rumeurs : askip il aurait choppé le sida en couchant avec un gars ou mauvaise transfusion sanguine suite à un accident de voiture. En attendant, c'est l'idiot du village qui casse les pieds
Occupation : élevage de chenilles et biologie
Communautés : la paroisse // choriste au colombia chorus

self-portrait in three colors (épistolaire - albi) Empty
MessageSujet: Re: self-portrait in three colors (épistolaire - albi)   self-portrait in three colors (épistolaire - albi) EmptyMar 5 Mai - 18:45

Ambrose aurait d’habitude esquissé un « yes » des deux points quand Joshua dit qu’il abolissait définitivement son horrible « Josh ». Je suis toujours Ambrose, je vous rassure. Ma tête est lourde, et je crains que mes globes oculaires se détachent de mes orbites pour venir s’échouer sur mes joues, avec les larmes. A la place, je me contentais d’esquisser une joie que je porterais en amulette autour de mon cou, devenant sorcier pour éloigner les mauvais esprits attachés à ma peau comme la maladie était sangsue à mon sang. Je remercierais Karen à chaque fois que je prenais la plume : elle faisait bouc-émissaire entre la feuille et moi, entre la peur de l’individu et ma personne. Je l’avouais pas, mais je cherchais le contact autant que j’en étais effrayé.
Je parlais à tout bout de champ de baise dans les champs et les chiottes des cinémas, mais l’idée même d’effleurer des doigts devant un film me foutait la nausée.

Joshua me demande des informations sur mon lycée et je me pose dans mon canapé quand j’y repense. J’étais loin d’être détendu, c’est juste que le poids sur mes épaules devenait un peu trop lourd quand on l’évoquait. Ecoute Joshua, très bien. Comment Karen aurait vécu son lycée. Sûrement que Karen était une jolie fille, sinon, elle ne fascinerait pas son correspondant épistolaire. Karen transmettait sa grâce dans ses écrits. Elle pourrait esquiver la question, mais c’était quelqu’un de distingué. Si j’avais du répondre à la question, j’aurai fais un drift arrière position lâcheté et j’aurai parlé de la pluie et du beau temps, à défaut d’avoir de la conversation. Mon avatar n’était pas comme moi, et tant mieux pour elle. Je l’imaginais fille populaire, quelques garçons à ses pieds, une meilleure amie avec qui elle aurait fait ses premières soirées. Elle aurait sûrement fais sa première fois avec préservatif dans ses jolis draps roses avec un garçon qui l’aimait, et qu’elle aimait. Ils se seraient séparés car elle évoluait et lui non. Elle aurait été le genre de filles avec des fleurs dans les cheveux et de belles roses évasées, si fine qu’on avait peur de les casser en les enlaçant.
Elle aurait été pompom girl, à charmer les quarterbacks.

L’évocation de la nudité me mettait dans un malaise profond. Je préférais passer pour un hypersexuel vicieux. L’avantage des rumeurs, c’est qu’on peut être ce qu’on veut, et mentir à mon sujet était un jeu auquel je me prêtais volontiers. Je me sentirais assez mal, nu comme un ver devant quelqu’un. J’aurai peur de plein de choses, l’érection à l’air, de mon corps honteux. Bordel, et des restes de mon accident de voiture. J’étais pas un modèle, j’étais pas non plus un peintre. Les gens nus, c’était sexuel, pour moi. Tout ce qui touchait au sexe, je préférais en parler qu’en toucher. Réellement, je préférais aller au zoo qu’au parc, je me sentais plus proche des animaux.

Mon interlocuteur me donne des coups de cuter, et je prends ma plume en pesant sa masse avec envie. A taper sur tous mes points sensibles, je me sentirais peut-être plus à l’aise en me la plantant aussi.
Pas de crainte, je croyais en l’acupuncture après tout.

« Cher Joshua,

Je suis ravie d’apprendre que tu préfères toi aussi ton nom entier. Les surnoms n’ont jamais été mon fort. Ton geste m’a bel et bien touchée, je suis très sensible aux petites attentions. Je préfère les gestes discrets aux grandes déclarations, et ravie de voir que tu es de ceux qui se distinguent par des cadeaux du quotidien plutôt que par les gigantesques démonstrations. Dans notre relation épistolaire, nous n’avons que ce moyen pour s’offrir un peu de notre quotidien, pour avoir une chance de l’apercevoir … Je vois tous ces présents comme des ouvertures, de petites fenêtres ouvertes sur ton univers. Inutile, dès lors, de te préciser à quel point je suis enchantée de pouvoir découvrir tout ceci.

Pour être honnête, je n’appréciais pas beaucoup l’école. La piscine ne me posait pas de problème, j’admets avoir toujours été à l’aise dans l’eau. La sensation me plaît, et j’ai très tôt appris à assumer mon physique. Je préférais les matières manuelles et artistiques. Même la littérature n’était pas réellement mon fort : je me juge trop dissipée pour rester calme devant un bon livre, parfois. Ce constat me dépasse et m’attriste fortement … J’espère que tu sauras me conseiller de bonnes lectures, et c’est pour cette raison qu’il me tarde de découvrir tes écrits que, je sais de source sûre, me fascineront et que je m’empresserais de dévorer. Autrement, ces années furent douces et innocentes. J’ai eu des amies, et copains, et j’ai préféré quitter la folie New Yorkais par la suite. Si New York est grand, les relations sont étroites. Les buildings m’étouffent, et renouer avec la grandeur de la nature et le pastel des petites habitations me revigore d’une énergie toute nouvelle et douce !
As-tu des anecdotes tout de même à me raconter ? As-tu fais ton lycée à Stevenson ?

Je ne dessine pas encore de nu. Je m’en garde pour le moment, j’aurai très peur de froisser une personne si je rate son portrait … L’idée d’offenser et de blesser un autre être humain m’ait insupportable, et c’est pour cette raison que je me contente d’esquisser des portraits de choses inanimées. Je préfère les natures mortes et peintures de paysages. Je dépéris d’être loin de mon matériel complet de peinture, pour le moment. Mon ami n’habite pas un palace, et je me sentirais très indisposée à lui demander de m’installer complètement chez lui. Ma situation de transition me pousse à dessiner sur des feuilles spécialisées, mais l’aquarelle ne prend son sens que sur toile …
La nature est ma muse, pour le moment. J’aime beaucoup cette formulation. Elle renferme quelque chose de très doux et de très éphémère, tu ne trouves pas ?

Je t’embrasse fort et te souhaite une agréable semaine, j’attends de tes nouvelles avec impatience !
Tendrement (en espérant que ça ne te dérange pas …),
Karen. »


Au fond, je pense que j'aurai bien aimé être une Karen. La naïveté et la grâce étaient sûrement des choses plus simples à côtoyer.
Revenir en haut Aller en bas
https://bleuvelours.forumactif.com/t159-goodbye-pork-pie-hat-triple-a-ambrose https://bleuvelours.forumactif.com/t178-thug-tears
Invité
Invité
Anonymous
☾ ☾ ☾

self-portrait in three colors (épistolaire - albi) Empty
MessageSujet: Re: self-portrait in three colors (épistolaire - albi)   self-portrait in three colors (épistolaire - albi) EmptyMer 6 Mai - 18:48

tw: harcèlement scolaire

Les premières lignes que je lis me font un lourd pincement au cœur, j'hésite entre l'amertume et le sentiment de culpabilité.
Joshua ce serait un beau prénom vraiment, et c'en est un parce que même moi je le trouve joli quand je le prononce et quand je le vois sur le papier, mais ce n'est pas mon nom à moi. Joshua c'est personne, c'est juste des lettres choisies au hasard et qui rendent bien. Qui rendent mieux que Albrecht. De toute façon, je suis sûr que Karen préférerait répondre à Joshua qu'à l'allemand.

Karen semble aimer les attentions discrètes glissées entre les feuilles d'enveloppes plutôt que les trop grosses choses et je ne peux pas m'empêcher de penser que notre relation épistolaire l'arrange, peu importe la manière. Dans un sens moi aussi, et c'est surtout parce que je ne pourrais jamais me présenter comme étant Joshua. Je me demande d'ailleurs si elle a déjà entendu parler de moi, le vrai moi, l'aryen blond aux yeux bleus de Stevenson. Est-ce qu'on lui a déjà dit tout ce qu'il y avait à savoir de moi ? À quel point je suis pourri et personne ne doit me fréquenter ? Pendant une seconde je m'imagine lui parler des Edelstein pour connaître sa réaction, et d'avance je souffre de ce qu'elle pourrait me répondre.

C'est étrange. J'ai l'impression que Karen est exagérément loin de moi, loin de ce village, et qu'à la fois elle pourrait vivre à côté de chez moi. De chez nous. Ignorer que la périphérie de Stevenson accueille la demeure des boches et vivre une vie tranquille aux confins de la ville. Sans se douter de la couleur de notre sang.

Lorsqu'elle me parle de son passé à l'école, je lis et relis encore. À chacune de ses phrases une pensée à moi surgit et voudrait se faire entendre de Karen pour savoir son point de vue. J'apprends que la piscine ne la dérangeait pas alors que moi ça m'a toujours glacé le sang. Devoir montrer son corps, faire des longueurs devant un professeur sinistre qui n'empêche jamais les élèves de se moquer. Avoir du mal à nager, ne pas savoir comment faire pour ouvrir les yeux sous l'eau sans se faire submerger. Être incapable de sauter du plongeoir, faire demi-tour et baisser la tête pour se sauver des brimades autant que possible. La piscine j'y allais toujours avec la peur au ventre comme si c'était le jugement dernier. Je pouvais mourir que je ne suis même pas sûr qu'on serait venu me repêcher dans l'eau. Le seul moment que j'aimais bien à la piscine c'était celui où j'en sortais, où je retournais aux vestiaires pour m'enrouler dans ma serviette de bain et me sécher. Je faisais un rideau avec, de sorte à ce que les autres ne regardent pas, ne se rendent pas compte de ma maigreur, de mes côtes saillantes, de ces estafilades sur mes flancs.
C'était pareil au sport. Je me rendais à l'école déjà en tenue pour ne pas avoir à me déshabiller et montrer ce que j'avais sur les os. Toujours j'avais peur, car je vivais dans cette peau meurtrie qui était la mienne.

Mais Karen non, elle n'avait pas peur.
"J'ai très tôt appris à assumer mon physique"
Je l'imagine belle. Grande, mince. Pleine d'assurance et de filles admiratives pour la suivre derrière. Les cheveux auburn avec des reflets ambres très beaux, très doux. Un visage fin, des lèvres pulpeuses, des yeux curieux et tendres. Qu'est-ce que ça irait bien avec sa voix.
Qu'est-ce qu'elle aime porter Karen ? Des jupes, des robes ? Des pantalons peut-être ? Ou bien autre chose ?

J'ai de drôles de sensations à me l'imaginer. Dans mon ventre ça chahute dans tous les sens entre le bonheur de penser et le mystère de ne pas savoir. Je meurs d'envie de lui demander plus de détails, une photo même... Mais je devrai faire la même chose, et c'est impossible. En même temps, quelque chose me dit que Karen n'accepterait pas non plus. Peut-être que ce qui l'intéresse c'est juste les écrits de Josh... Joshua, et rien d'autre. Mais comment faire ? Je ne sais pas bien écrire moi. Tout ce que j'ai fait dans ma vie en terme d'écriture c'est griffonner dans les marges de cahier, sur des feuilles volantes. Des trucs que j'ai préféré oublier, ou que j'ai laissé derrière moi. Je ne me sens pas à l'aise en regardant des choses que j'ai moi-même faites, c'est comme si c'était affreux ou bien que ça allait m'exploser dans la figure.

Moi tu sais Karen j'en ai jamais eu de copine, et je ne sais pas ce que ça fait que d'aimer et d'être aimé en retour. J'en tremble d'envie chaque jour de le savoir. Voir les couples en ville c'est un supplice, je détourne les yeux parce qu'un baiser dégage quelque chose qui me dit que c'est interdit pour moi de regarder. J'en ai pas le droit, et qui voudrait bien sortir avec moi ? Peut-être quelqu'un qui ne sait pas d'où je viens, qui je suis, qu'est-ce que j'ai fait. Mais c'est tout comme si ce quelqu'un ne m'aimait pas vraiment moi au final. J'en sais rien. Dis Karen, est-ce que tu as un copain en ce moment ? Est-ce que l'ami qui t'héberge...?

Je coupe le fil de mes pensées tout de suite. Jamais je demanderai ça à Karen, ça ne se fait pas. Je préfère continuer à croire que Stevenson est plus petite que New York mais qu'elle n'a pas non plus autant de place à offrir, autant d'air à donner. Ta réputation une fois qu'elle est faite c'est fini tu la gardes à jamais. Mais dans une grande ville tu as quand même la chance et l'espace de te déplacer, de fuir, de te retrancher au fond s'il faut... Tu peux te refaire une existence. Ici à Stevenson ce n'est pas possible, une fois que tu as ton nom fiché quelque part c'est terminé.

16 mai 1987


Chère Karen,
Te lire est toujours un plaisir. C'est mon moment de repos, celui où je peux m'échapper et rêver un peu. J'aime me dire que s'écrire c'est un instant privilégié où l'on peut se parler sans tabou et s'évader ensemble. Qu'est-ce que je suis heureux de m'être présenté à cette association !

As-tu déjà lu l'Etranger de Camus ? C'est un classique, un incontournable. Le Français est une langue qui me fascine et que j'aurais adoré apprendre, mais c'est très compliqué... Je me renseigne dans les livres pour l'étudier mais ce ne sera jamais comme le parler avec quelqu'un. Je me demande si Stevenson abrite quelques étrangers francophones. As-tu déjà visité d'autres pays que l'Amérique ?

J'ai toujours été quelqu'un de calme, même à l'école. Je ne faisais pas d'histoires, j'étais un élève sérieux qui aimait apprendre mais qui préférait le faire de son côté. Le sport ça n'a jamais été mon fort mais j'étais endurant, je savais courir longtemps sans perdre le nord. Dans le fond je suis quelqu'un qui sait plutôt bien encaisser. Et je n'avais beaucoup d'amis, mais des amis sur lesquels je pouvais compter. Nous étions tous au lycée de Stevenson et je pense que sans eux je n'aurais pas tenu le coup. Aujourd'hui ils ont quitté la ville pour voguer à leur gré ou bien pour le travail. Je n'ai pas souvent de nouvelles mais ne dit-on pas : "pas de nouvelles, bonnes nouvelles" ? J'espère moi aussi avoir un jour l'opportunité de découvrir d'autres horizons. Peut-être me montreras-tu les trésors de New York ?

Je comprends très bien ta peur de froisser ton modèle, je suppose que je ressentirais les choses de la même façon. Ce serait pour moi comme écrire un poème qui n'est pas juste, qui sonne faux, qui ne rend pas justice. J'adorerais recevoir une de tes ébauches... Crois-tu que cela serait un jour possible ? Je prépare mes poèmes...

Amicalement (et bien sûr que cela ne me dérange guère !),
Joshua


Dernière édition par Albrecht Edelstein le Dim 24 Mai - 16:17, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Ambrose Atkins
Ambrose Atkins
☾ ☾ ☾
Télégrammes : 120
Date d'inscription : 02/03/2020
Alias : smanffson // elle
Portrait : caleb l. jones // bandit rouge
Disponibilité : autant que possible
self-portrait in three colors (épistolaire - albi) Tumblr_p292zeWsFN1rqs8yao2_500
Âge : 22
Rumeurs : askip il aurait choppé le sida en couchant avec un gars ou mauvaise transfusion sanguine suite à un accident de voiture. En attendant, c'est l'idiot du village qui casse les pieds
Occupation : élevage de chenilles et biologie
Communautés : la paroisse // choriste au colombia chorus

self-portrait in three colors (épistolaire - albi) Empty
MessageSujet: Re: self-portrait in three colors (épistolaire - albi)   self-portrait in three colors (épistolaire - albi) EmptyJeu 7 Mai - 1:58

« Cher Joshua,

Je ne m’intéresse pas réellement à autre chose que la littérature américaine, pour être honnête … J’ai très peu des traductions, qu’elles détruisent le style. Je préfère ne pas les lire plutôt que d’en avoir une image faussée … Je présume que c’est de même pour l’être humain, je pourrais passer à côté d’or à me laisser me contenter de la pâle rouille consommée par du venin de vipère … Mais à l’occasion, j’aimerai. Je n’aurais peut-être pas ton courage d’apprendre le français – langue de l’amour, dit-on – mais je suis curieuse quand on parle de culture.
J’ai pu visiter quelques autres Etats, ce qui est déjà un bon début quand on habite aux Etats-Unis, en Amérique ! A vrai dire, j’ai été dans le Sud. Le Nouveau-Mexique m’a plu, mais hélas, je me sentais fondre sous la chaleur accablante du soleil. Il faut croire que je le préfère dans le coeur des gens qu’au dessus de ma tête. Autrement, l’Amérique Latine peut m’attirer, pour ses mystères et son histoire. Je me sens l’âme aventurière en y pensant. Peut-être est-ce un fantasme d’inconnu lointain, mais sûrement que ça me plairait d’y aller.
Que veux-tu voir à New York ? La pollution formant un majestueux nuage pour nous protéger du soleil ou bien la cacophonie des klaxons ? Ô Joshua, je te prie de me croire quand je te dis que Stevenson est plus intéressante. La métropole n’achète ni les énergies positives, ni la qualité de vie. »


Au fur et à mesure de mes lettres, je me sentais extérieur à ce que je faisais. Cette correspondance commençait à me mettre dans un profond mal-être. Je n’étais pas bon acteur, et je l’avais jamais été. J’étais pas foutu de jouer ma propre vie, pourquoi j’irai jouer celle d’un… D’une autre, même ? Aucun regret, pour être honnête. M’inviter une vie plus kiffante me plaisait. Je rêvais parfois d’être un pirate en eau enragée, après tout. Je me disais qu’il était peut-être plus simple d’enfiler un large chapeau et de boire du rhum plutôt que de jouer les ingénues semi-séductrices. Quelque chose là-dedans me mettait mal à l’aise.
Pourtant, quelque chose ne pouvait m’empêcher de continuer. Je pense avoir créer un monstre. Mon alter-ego, Karen, était la succube qu’Ambrose avait toujours rêvé d’être, certainement. Sûrement que je rêvais de voir qui était prêt à boire mes mots de la sorte. Quel genre de gars je pouvais séduire, pour m’évaluer sur la fameuse échelle de dix. Je me demandais si je valais un quatre, un dix. Karen, elle, c’était une dix, et j’en étais certain. Dans ma tête, elle l’était.
Au fond, j’étais certainement amusé, et un peu accro à ce mensonge.

« Je suis désolée de lire que ces amis ne te donnent pas de nouvelles … Sûrement ne savent-ils pas ce qu’ils ratent ! On est en manque de quelque chose que lorsque cette chose a disparu. N’est-ce pas ce qu’on dit, sur toutes les lèvres du monde ? Je prie pour qu’ils voient quel homme formidable tu es !
De mon côté, je ne te cache pas que je suis une jeune femme banale. Je ne suis pas malheureuse, et je me languis de pouvoir affirmer haut et fort que je suis comblée … J’ai quelques amis précieux, quelques connaissances avec qui faire la fête. Je suis stratège, et sait faire la différence. C’est là tout le danger de la jeunesse. Je ne confonds rien. Néanmoins, à Stevenson, si je peux compter sur mes hébergeurs, j’ai froid dans ce désert glacial qu’est la grande et majestueuse Stevenson.

Il est toujours agréable de recevoir un poème, je t’assure. Il est toujours plus délicat de l’analyser, tout du moins. Les gens s’attachent au lexique, et non aux dires, je pense. »

Je pense, Karen, que tu penses trop et mal.

« J’ai terminé une ébauche, c’est la palette de couleurs que je compte utiliser pour mon prochain tableau. Elle n’est pas définitive, mais elle me permet de visualiser au mieux un résultat.
J’attends tes poèmes avec une impatience certaine. Procédons à un échange de bons procédés, Joshua, si tu veux bien, bien entendu …

Chaleureusement, comme tu t’en doutes,
Karen. »

Je joins à ma lettre une feuille Canson avec les couleurs primaires à l’aquarelle diluée entre elle, avec un peu d’eau, du noir… J’ai l’impression d’être retourné en maternelle et de faire le contour de ma main. J’attends un bravo de la maîtresse, dont le nom n’aura jamais la connotation que je voudrais. Je préférais la chaleur aux punitions, je me savais loin d’être masochiste, c’était ça.
Quand mes couleurs commencent à avoir un peu de gueule entre elle, je glisse le tout dans l’enveloppe.

Je vous avais parlé de mon alter-ego donc. Appelons le donc Brosam. Brosam, donc, c’était le gars qui faisait toute cette mascarade. Je vous assure. Parce qu’Ambrose Atkins ferait pas ce genre de conneries.
Brosam, donc. Mon alter-ego, suivez un peu. Brosam, loin d’être un « bro » comme son nom l’indique, commence à avoir de sales idées. Ca le fait rire, parce que je sens mes abdos qui se contractent pas mal quand il fait fonctionner la machine tic tic toc dans mon crâne. Je vais au magasin. J’achète un rouge-à-lèvres, bien rouge. Aucun soucis avec ça, je savais reconnaître le rose, le blanc, du rouge. Souvenez-vous, je – Brosam est Karen, et donc il sait parfaitement les couleurs puisqu’il est un peu artiste au fond.
Il s’essaie artiste maquilleur et je peins mes lèvres de rouge tandis que j’accompagne une marque associé au féminin sur ma lettre. Je c… Stop, on recommence. Brosam créait un peu plus le personnage de Karen, et lui donnait un physique.

Ni vu ni connu, méfaits accomplis, je ne me couvre plus le visage quand je vais déposer la lettre et je me sens confiant. Parce que ce n’est pas moi, qui fait cette connerie. C’est Karen, c’est Brosam, parce qu’Ambrose Atkins ne ferait jamais de conneries du genre.
Du moins, c’est ce que je dirais si on me demande.
Revenir en haut Aller en bas
https://bleuvelours.forumactif.com/t159-goodbye-pork-pie-hat-triple-a-ambrose https://bleuvelours.forumactif.com/t178-thug-tears
Invité
Invité
Anonymous
☾ ☾ ☾

self-portrait in three colors (épistolaire - albi) Empty
MessageSujet: Re: self-portrait in three colors (épistolaire - albi)   self-portrait in three colors (épistolaire - albi) EmptyJeu 7 Mai - 18:23

Je ne sais pas quoi dire.
Joshua continue toujours de recevoir des lettres de Karen, mais il est arrivé quelque chose au Albrecht de la vraie vie.
Quelque chose d'extraordinaire.
Si extraordinaire que Karen n'a plus reçu de lettres de Joshua pendant tout ce temps.

J'ai rencontré un garçon.

Non ne dites rien... Je sais ce que vous pensez.
"Un garçon ! Ah oh mais qu'est-ce que ! un garçon !!"
J'ai partagé quelque chose d'unique avec ce garçon, si bien que j'ai repensé à mon dernier échange avec Karen. "Moi tu sais j'en ai jamais eu de copine" Mais un copain, j'ai eu... Et qu'est-ce que je peux dire maintenant, qu'est-ce que je peux faire ? Est-ce que je devrais continuer d'échanger par correspondance ? J'ai l'impression de vouloir aller plus loin avec Karen, d'avoir envie de poursuivre notre relation ensemble mais... Mais d'un autre côté je me dis que c'est immoral de faire ça, je ne peux pas ça ne se fait pas.

Karen a proposé un "échange de bons procédés". Un poème contre un dessin.
J'ai bien reçu sa belle aquarelle pleine de couleurs éclatantes qui se sont joliment diluées entre elles. Même ça poser le pinceau sur l'eau et voir les teintes chatoyer sur le papier j'en suis bien incapable. Pourtant... Oh, Karen. Tout ce qu'elle fait rend si bien.

Je me sens profondément troublé.
Ce garçon dont je parle n'est pas au courant de ce que je fais avec Karen.
Et Karen ne sait pas que je ne suis pas Joshua.
Est-ce possible de désirer plusieurs personnes à la fois ? Que cet amour soit équitable et réciproque ? Je ne sais pas ce que Karen pense de moi, vraiment. Je ne peux que me fier à ses mots, tenter de lire entre les lignes. Elle... elle a dit que j'étais un homme formidable mais... Mais c'est Joshua qui est formidable ! Pas moi ! Moi je n'écris pas, moi je n'ai pas eu d'amis avec qui passer mes années à l'école ! Moi je ne suis rien de tout ça, je suis une... victime, une pauvre merde de collabo. J'invente rien, c'est ce type dans la ruelle ce soir-là... Je l'entends encore et il a raison.

Ça me fait pleurer. Dans ma chambre, au-dessus du bureau, le stylo à la main. Je pleure et j'essaye de me retenir parce que Brynhild est en train de travailler et qu'elle pourrait m'entendre.
J'aime parler à Karen, réellement, mais avoir rencontré quelqu'un me fait me demander si je suis légitime à continuer cette fausse relation... ce faux échange épistolaire avec quelqu'un qui ignore que je lui mens depuis le début... Je voudrais tout avouer, ou bien cesser complètement de répondre et ne plus jamais donner de nouvelles : c'est anonyme de toute façon alors personne n'en saurait rien... Si je croisais un jour une Karen en ville, je ne dirais rien, je me tairais, je garderais tout pour moi. J'oublierais cette estampe écarlate qui marque la peau de ses lèvres au dos de l'enveloppe et qui fait battre mon cœur plus vite.
Et je continuerais inexorablement à vouloir la désirer.
Je suis vraiment un monstre.

27 mai 1987


Chère Karen,
Je suis profondément navré de te répondre avec autant de retard, j'ai comme qui dirait eu un empêchement qui a fait que je n'ai pas pu me rapprocher de ta poésie durant tout ce temps. J'espère toutefois que tu te portes pour le mieux, tu me manques beaucoup.

Je t'envie d'avoir pu voir des horizons aussi divers que variés, pour ma part je n'ai jamais quitté Stevenson et ce n'est pas l'envie qui m'en manque... À défaut de voir du paysage je me rends en forêt pour m'y promener et j'ai l'impression que ses bois grossissent de jour en jour et ne s'arrêtent jamais. Je suis bien désolé d'apprendre que New York ne recèle pas autant de richesses que je me le serais imaginé, il m'apparaissait pourtant qu'il s'agissait d'un berceau culturel remarquable de notre belle Amérique. Mais je te crois.

Cela me touche énormément ce que tu dis, on ne m'a pas souvent dit que j'étais cet homme que tu décris. Si je devais me montrer tout à fait honnête tu es pour moi une personne absolument ravissante qui mérite le bonheur et tous les bienfaits qui les accompagnent. Tu es loin d'être banale, ne sois pas si modeste, voyons. J'adorerais pouvoir entendre ta voix et fréquenter ta douceur autrement que par le papier. Je pense que c'est devenu un rêve pour moi... J'y pense souvent. J'ai terriblement foi en toi et je suis reconnaissant envers le ciel chaque jour pour m'avoir mis sur ton chemin. Si le désert glacé qu'est Stevenson te dérange, eh bien alors... Je serais plus que ravi de pouvoir être cette étreinte chaude qui viendra te réchauffer le cœur, et je parle au-delà de ces mots que tu lis.

Ton aquarelle est magnifique. Je l'ai rangée précieusement avec ta feuille d'érable, j'ai l'impression qu'ensemble elles me protègent... Pour te prouver ma bonne volonté voici quelques lignes que j'ai écrites. C'est la première fois que je me dévoile ainsi à quelqu'un, j'espère sincèrement que cela te plaira...

Fleur solitaire sur sa colline, ondoie sous la caresse des vents
Silencieuse au regard sans pupilles, cachée depuis tout ce temps
Belle et terrible, vêtue de fausseté pour la protéger du sang
Elle préfère se couvrir d'épines et d'un faux rouge pour faire semblant
Fleur solitaire sur sa colline, armée de griffes tout comme moi je mens


Rêveusement,
Joshua
Revenir en haut Aller en bas
Ambrose Atkins
Ambrose Atkins
☾ ☾ ☾
Télégrammes : 120
Date d'inscription : 02/03/2020
Alias : smanffson // elle
Portrait : caleb l. jones // bandit rouge
Disponibilité : autant que possible
self-portrait in three colors (épistolaire - albi) Tumblr_p292zeWsFN1rqs8yao2_500
Âge : 22
Rumeurs : askip il aurait choppé le sida en couchant avec un gars ou mauvaise transfusion sanguine suite à un accident de voiture. En attendant, c'est l'idiot du village qui casse les pieds
Occupation : élevage de chenilles et biologie
Communautés : la paroisse // choriste au colombia chorus

self-portrait in three colors (épistolaire - albi) Empty
MessageSujet: Re: self-portrait in three colors (épistolaire - albi)   self-portrait in three colors (épistolaire - albi) EmptyVen 8 Mai - 18:23

Joshua semble dessiner un portrait de moi tout à fait agréable. J’aimerai être une personne ravissante, méritant tout le bonheur du monde. Tout ce troisième paragraphe résonne comme quelque chose d’extrêmement étrange à mes yeux.
Sûrement qu’un peu de chaleur dans mon coeur, ça me ferait du bien. J’avais beau gueuler le contraire sur les toits, mais dormir en cuiller avec un traversin n’égalait pas la chaleur humaine. J’avais eu cette chance de pouvoir m’endormir une fois aux côtés d’un autre être humain. L’équation avait été mauvaise. L’expérience était désastreuse. Pour autant, elle contournait ma logique et, j’étais forcé de constater que si je devais reproduire la chose une nouvelle fois, je me jetterais, ventre vulnérable, dans la gueule du loup.

En conclusion, ce gars s’accrochait trop. Sur la corde raide, je ne savais pas encore si je tenais en équilibre par la capacité à prendre du recul, ou si je devais me laisser prendre au jeu.

J’ai préféré me laisser quelques jours pour répondre. Notre correspondance s’étalait sur le temps. Je présume que chacun de nous avait d’autres chats à fouetter, d’autres coeurs à empoisonner. Je pesais le pour et le contre, et, finalement, en jouer me semblait l’option la plus sûre. Une chenille sur le poignet, je l’observais se rouler sur elle-même, petit être boursoufflé qu’elle était. Elle représentait la beauté cachée, quelque chose de profondément écoeurant qui, à terme, était destiné à devenir la figure même de la grâce et de la beauté. Si Karen était un papillon, j’étais encore cette chenille, en quête de l’Eternel et de croyance. Le dernier paragraphe me laissait un sale goût amer en bouche. Si la forme était jolie et entendue, le message fronçait mes sourcils. Parler de fausseté et de mensonge dans une correspondance épistolaire … Qui pouvait bien faire ça. Pendant que je relisais les lignes en boucle, la littérature n’avait pas été mon fort à l’école, et l’analyse non plus. Sûrement que je tapais à côté, parce qu’à être toujours sur la réserve, mon esprit se fatiguait et buvait à des fins illusoires.

« Cher Joshua,

Je sens mon coeur qui palpite à la lecture de ces lettres et, bon dieu, quels mots délicats tu déposes là, destinés à se nicher au creux de mes lèvres ! Je suis touchée au plus profond de mon être et ose, à travers ce papier, serrer ta main plus que de raison. Je ne pensais pas à mal en utilisant le mot « banal », excuse moi si j’ai pu te faire comprendre le contraire. Une fois adulte, j’ai pu observer que la banalité était une bien belle vertu. La marginalité m’effraie, et je me plais à être madame tout-le-monde, tout en dissimulant mes passions et mes activités qui peuvent me rendre unique aux yeux de tous. Il est toujours plus agréable de découvrir un trésor dans une simple pierre plutôt que de briser un prétendu diamant sans aucune valeur.
La dimension physique de nos échanges crée une jolie frustration qui échauffe nos curiosités, et je sens mes sens échauffés à chaque réception de tes missives … - Ou bien n’est-ce que mes joues et mon sang qui me jouent un tour … !
Pour y remédier, permets moi de déposer sur ce papier un peu de mon quotidien. Jouons sur ces sens, nous ne pouvons que leur faire confiance pour nous mener l’un vers l’autre. »


Je vous vois. C’était un coup de Brosam.
Cette histoire de Karen, Ambrose, Brosam … Ca m’amusait. C’était plus relaxant de me dire que c’était une sorte d’être malin qui agissait plutôt que ma prédisposition à adorer m’amuser de tout et de tout le monde. Je ne m’estimais pas comme un sale type, et me cacher derrière des pseudonymes m’était plus agréable.
J’étais donc allé, accompagné de Brosam le maléfique, rendre visite à ma mère. Femme de la haute oblige, je pouvais aisément aller emprunter pour une durée indéterminée deux trois flacons de parfum. Je faisais attention à prendre des senteurs florales et fraîches. Les odeurs trop amères et épicées connotaient un certain âge chez nous, les jeunes cools et branchés. La suite, vous la devinez : Brosam en a aspergé la lettre, et moi, j’étais content de ma connerie.

« Ton poème est à la hauteur de ce que j’espérais : une grande sensibilité et beaucoup d’interrogations s’en dégagent. Le thème du mensonge me semble bien triste : est-ce comme cela que tu te visualises ? Ou … Ou bien pire, que tu vois notre échange ? Je suis confuse, Joshua, et je prie pour que tu me sortes de ces questions qui me taraudent l’esprit et qui troublent mon sommeil.

En espérant de tes rapides nouvelles,
Délicatement,
Karen. »
Revenir en haut Aller en bas
https://bleuvelours.forumactif.com/t159-goodbye-pork-pie-hat-triple-a-ambrose https://bleuvelours.forumactif.com/t178-thug-tears
Invité
Invité
Anonymous
☾ ☾ ☾

self-portrait in three colors (épistolaire - albi) Empty
MessageSujet: Re: self-portrait in three colors (épistolaire - albi)   self-portrait in three colors (épistolaire - albi) EmptyDim 10 Mai - 13:07

tw: harcèlement scolaire

Karen a aspergé sa lettre de parfum. Un parfum doux et fleuri, sucré. Jeune... Je ne sais pas mais je n'ai même pas eu besoin de pencher mon nez dessus pour sentir cette saveur bucolique qui appartient à Karen et je n'en doute pas un seul instant. D'abord les lèvres rouges, maintenant le parfum... Je... Je ne comprends pas, veut-elle me dire quelque chose ? Est-ce vraiment des attentions que l'on fait pour envoyer une missive à un simple inconnu ?
Je suis très perturbé et j'ai peur de m'emballer pour quelque chose qui ne serait même pas ce que j'espère. Karen est-elle attirée par moi ?... Par Joshua ?

Je perds un peu la notion du temps je crois.
Ce doit être parce que j'espace de plus en plus mes retrouvailles avec Karen, et je sais pertinemment que c'est mal. Elle doit sûrement se poser des questions... auxquelles je n'aurai pas de réponse. Je les cherche moi-même sans les trouver. Peut-être parce qu'elles n'ont pas besoin d'être trouvées : elles sont déjà là. Je les ignore juste.

Parmi les souvenirs que je n'ai pas évoqués de mes années au collège il y a les midis à la cantine où si vous vouliez trouver Albrecht Edelstein il fallait regarder en bout de table où partout où il y avait encore de la place autour. Je vous jure les gens s'écartaient exprès. Midi hors des salles de classe ça voulait pas dire paix, ça continuait quand même. Les filles aussi elles aimaient s'y mettre et je me souviens de celle qui ouvrait tout le temps les petits sachets de sel au-dessus de mes cheveux. C'était très long à enlever et je ne pouvais rien y faire, sauf attendre la douche le soir.

Je détestais les cours d'histoire. L'Histoire avec un grand H. Je pense qu'il s'agit de mes heures à l'école les plus difficiles, et si c'était possible je faisais semblant d'être malade ou d'avoir plus important à faire... Je n'aimais pas les absences injustifiées mais elles arrivaient parfois. Je ne pouvais pas prévoir un groupe de gros bras m'attendant à la sortie de l'école, ni le vol de mes affaires personnelles dans les vestiaires pendant que j'étais sur le terrain de sport.
Je me souviens de ces types qui m'ont porté à trois jusqu'aux douches pour faire tomber l'eau alors que j'étais encore tout habillé. Mais je savais rien faire à part leur dire d'arrêter, et c'était inutile parce qu'au plus je me plaignais et au plus ils continuaient. Au bout d'un moment j'ai cessé de parler. Même ça ça n'a rien changé, et j'en suis arrivé à la conclusion qu'en fait il n'y avait rien à faire. Quand les gens veulent faire du mal, c'est pour eux, pas pour vous voir pleurer vous spécifiquement. Dès lors votre réaction importe peu. Au mieux ça apporte un peu plus de satisfaction pour le bourreau, au pire vous prenez les coups de pieds dans les flancs et c'est tout.

Pourquoi je repense à tout ça ?... Parce que j'aimais pas les cours d'histoire. J'ai pas supporté la période de la seconde guerre mondiale et parfois il m'arrive encore de me demander ce qu'on leur apprend aux allemands d'Allemagne, les vrais pas les exportés comme moi. Est-ce qu'on leur dit qu'ils ont été les coupables ? Est-ce qu'on porte le blâme sur eux ? Qu'apprend le criminel à ses descendants ?

Je chasse ces pensées quand je replonge sur les mots de Karen. La lire m'apaise, ça me fait du bien. J'ai l'impression d'entendre autre chose que des moqueries sur mon sang et mes origines. Sur ma tête et mon accent. L'accent, ça Karen ne peut pas l'entendre par écrit, c'est une bonne chose. Et heureusement que la façon d'écrire aussi ne permet pas de comprendre de quel pays vient votre interlocuteur. Non c'est une très bonne chose vraiment.

Mais je me sens toujours aussi mal et c'est pour ça que je n'ai encore une fois pas répondu tout de suite.


10 juin 1987


Chère Karen,
Rien ne me fait plus plaisir que d'entendre que tu as aimé mon poème, j'avais de sérieux doutes... Je ne me fais pas vraiment confiance sur ce point mais savoir que mes mots ont plu m'égaye le cœur comme jamais. Je te remercie pour ça.

Tu abordes un sujet qui me frappe et m'interloque. La marginalité est quelque chose que j'ai pu constater auprès d'autres loups solitaires et je t'avoue me poser des questions : pourquoi cela t'effraye-t-il ? Y trouves-tu un mal ? Quelque chose de regrettable ? Faut-il être absolument en groupe pour se sentir bien, intégré, vivant ? Doit-on plier ses désirs et ses passions au gré des autres pour être accepté dans notre société humaine ? La censure ne viendrait donc pas que des médias, mais bel et bien de soi-même. Je crains ce caractère inconscient qu'ont les gens à faire taire leurs envies par peur du rejet. Comment te sens-tu vis-à-vis de ce sujet ? Il m'arrive de penser qu'il suffit d'avoir ne serait-ce qu'une seule activité hors du commun pour que cela suffise les autres à nous stigmatiser pour de bon. Mais comment développer un caractère libre, une pensée unique s'il faut à tout prix s'accorder aux autres ?

Peut-être que je me pose trop de questions. Mais cela me touche vois-tu... Je ne me fais pas de soucis pour toi : tes peintures, ton art, ta façon de parler, de penser, tout est si beau que je n'hésite pas une seule seconde à dire que tu as trouvé ta place depuis longtemps au sein de notre monde. Tu dois avoir beaucoup d'amis... Peut-être un amoureux. Un bel avenir devant toi. Vraiment, je suis scié de voir que New York n'ait pas pu t'apporter ce que tu cherchais, moi qui me faisais une idée si bariolée de cette mégapole !

J'ai volontairement éludé le sujet de mon poème durant toutes ces lignes, mais je voulais clore là-dessus pour te rassurer. Oh non, bien sûr que non je ne pense pas de notre relation qu'elle soit fausse, bien loin de là, je n'ai jamais ressenti autant de sincérité depuis longtemps et c'est une sacrée bouffée d'air frais. Cependant je n'ai pas pu m'empêcher d'écrire à propos de cette société cachée que je dénonce plus haut. Il m'apparaît évident que tout le monde n'est pas sincère, certains se cachent derrière une armure, derrière leurs épines... Et font du mal aux autres, à ceux qui ont choisi d'ouvrir leur cœur. Mes mots parlent de ça. Certainement pas de nous deux, de grâce non !

Aussi j'espère t'avoir rassurée. Le parfum qui imbibe cette lettre, est-ce celui que tu portes au quotidien ?... Si oui, alors je suis très heureux de pouvoir sentir un peu plus de toi près de moi. Littéralement.

Assurément,
Joshua
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
☾ ☾ ☾

self-portrait in three colors (épistolaire - albi) Empty
MessageSujet: Re: self-portrait in three colors (épistolaire - albi)   self-portrait in three colors (épistolaire - albi) Empty

Revenir en haut Aller en bas
 
self-portrait in three colors (épistolaire - albi)
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
blue velvet :: ( stevenson, washington, 1987 ) :: Columbia Highway-
Sauter vers: