la fORMULE MAGIQUE

une nuit normale
dans la maison bancale

papa rentre tard encore,
la porte s’ouvre d’un coup  
maman s’énerve
« tu rentres que maintenant ? »
j’ouvre les yeux
je dormais bien pourtant
« tu commences déjà à me faire chier »
dit-il
et la porte claque
je me raidis sous ma couette
je voudrais que mon coeur se taise
j’entends pas ce qu’ils disent
« tu as encore bu ? »
maman je t’en prie
« je fais ce que je veux »
papa hausse le ton
j’avale péniblement ma salive
je jette un coup d’œil à la fenêtre de ma chambre
les rideaux ne sont pas tirés
il fait nuit dehors
il fait sûrement froid aussi dehors
si je ne fais pas de bruit je peux sortir d’ici
(par là)
« je n’aime pas quand tu bois autant »
Moi non plus, me dis-je
je repousse la couverture lentement
papa titube dans le couloir, je l’entends
« je n’aime pas quand tu me casses les pieds comme ça »
qu’il dit lui
alors que c’est lui qui casse tout ici
l’amour
la vie
j’enfile un gros pull
ça me décoiffe mais je m’en fiche après tout
tout le monde s’en fiche
« je vais me coucher »
bonne idée maman,
ne le provoque pas davantage
tu sais comment il est quand il s’énerve
j’attends à côté de ma fenêtre
je suis prête à bondir pour m’enfuir
mais papa ne dit rien
est-ce que cette nuit va bien se passer ?
(j’ai peur)
un bruit sourd fait un peu trembler le lit
et les murs aussi
je sursaute dans mes draps
mes parents ne dorment pas ?
« mais tu vas te calmer ? »
maman hurle après papa
ça recommence
je sors encore de mon lit
j’ai toujours mon pull sur le dos et tant mieux
cette fois je m’en vais
mon corps est lasse
j’ai envie de pleurer car je suis exténuée
papa hurle aussi des insultes
« tu vas réveiller la petite »
la petite est morte à l’intérieur
je saute par la fenêtre
je retombe sur mes pieds mais j’ai mal
j’ai mal pas qu’aux chevilles
j’ai mal à mon cœur
j’ai mal à mon amour
« je t’interdis de me toucher »
s’époumone ma mère que j’entends encore d’ici
je pars en courant
les larmes tombent de mes yeux
papa est violent
maman va peut-être mourir cette nuit
il faut que j’y retourne ?
je m’arrête soudainement de courir
je n’ose pas regarder derrière moi ;
j’ai peur que mes regrets me suivent
tant pis
je m’en vais
en marchant
et je pleure encore