HANDMADE EGO

(l'envers)

La main entre ses cuisses, à l'origine du supplice. Candy dé-tes-te le petit air effarouché de la sainteté, l'air de ne pas y toucher, l'air d'avoir tout oublié lorsque la nuit est passée. Quand il se réveille et qu'il est seul, l'orage fait trembler les murs de tôle du trailer. Elle est où, maman, demanderait ses réminiscences ignorantes de son spectre enfantin. Il sait pas. Saura jamais. Cela le rend fou. Il supporte pas ses mensonges de gamines, ses pouffements désordonnés lorsqu'il la regarde dans les yeux et lui demande dans quelles emmerdes elle s'est encore fourrée. Il ne comprend pas. Voit le cash filer entre ses doigts manucurés.

(le hasard)

Il passe sa soirée à battre les cartes, les étaler, à les connaître par cœur. Candy, c'est le sourire d’apparat, la présence bienveillante qui regarde des bougres quarantenaires taper du poing sur la table lorsqu'ils ont perdu tout leur fric dans un seul acte d'arrogance. C'est vraiment un truc qui le dépasse. S'il avait de la thune... il ne la sacrifierait pas pour le frisson du hasard, ça c'est clair et net. La table de jeu du devil's ladder est loin d'être sexy. Il s'en vante pas, ça, c'est sûr. Son uniforme est ringard et trop serré au niveau de l'entrejambe, mais ça, l'dira jamais à la bande. Toute la soirée, les catins lui font du pied lorsqu'elles l'effleurent; l'est grand et beau, propre et charmant, elles sont aguicheuses avec leurs chevelures assorties - blonde, brune et rousse, trio gagnant - et leurs grands yeux d'amoureuses.

L'aime le pêché et le pêcheur, il serait pas là sinon.
En revanche, il dit toujours non aux courtisanes.
Il pense avec ardeur à quelqu'un qui ne pense jamais à lui, ce crétin.


(l'arbre)

Au chemin du petit jour... quoi, non ? Qu'est-ce que tu racontes, encore, Gigi ? Secoue la tête de dépit; a encore l'odeur de la clope de la voisine dans les naseaux. Il déteste les matins. Il aime pas grand-chose, à vrai dire - il est à peine sorti de l'adolescence, après tout... Mais les matins, franchement. Candy est du genre naïf - naïveté à laquelle on ne s'attend pas, de celle qui résiste au temps et aux déconvenues. Mais au point de croire à un arbre sempiternel et magnétique... C'est un peu trop, là. Nick se gratte la tête en silence - pour une fois qu'il l'ouvre pas pour rien dire - et Lou... c'est Lou. Sa bouche est un abysse. Vous aurez beau la fixer, vous n'en obtiendrez rien. Et Gigi... ah, bon sang, Gigi. Candy a envie de râler et de beugler "des arbres, on en est entourés ! Y'en a des centaines, des milliers !" mais il passerait, pour une énième fois - et à très juste titre, devrait-on faire remarquer - pour l'oiseau de mauvaise augure.

(l'envers)
violences, harcèlement scolaire

Gigi lui a remonté les bretelles comme à un malpropre. L'a raison, celle qui marmonne des prédictions à longueur de temps. Elle n'invente rien, lorsqu'elle lui assène qu'il est con. Il le sait. Mais c'est la stratégie de la terre brûlée; elle peut pas deviner, Gigi, même avec toute la clairvoyance du monde, à quel point les autres garçons ont pu être cruels avec lui. Maigrichon. Un visage de fille. Les hanches qui ondulent un peu trop, parait-il. Logique. Candy est un professionnel de la mémoire sélective - des moqueries, quand donc ? Et puis, il l'aime bien, son port altier, sa bouche pleine, ses grands yeux d'amoureux. Les autres mecs sont trop laids pour comprendre ce que c'est, d'être absolument charmant. Voilà tout.

Ce n'était pas de sa faute, si pour s'assimiler, l'a fallu contre-attaquer. C'était vraiment de mauvaise volonté, il essaye de s'en persuader. De toutes façons... c'est derrière lui, tout ça, non ? Un mauvais moment à passer, à se pardonner, à oublier. Candy n'a jamais abattu son poing ni même songé que ça irait assez loin, par contre, s'il pouvait remonter le temps et comme une petite souris, observer la scène comme une déité impuissante par essence...

Rien ne changerait. La lâcheté est un sable mouvant.
Les hommes sont des cannibales. Qu'il le veuille ou non, Candy a les gencives teintées de vermeil.