Bloody origins - Albrecht [tw : Violence, racisme]

C’est l’un de ses jours ou Wilfred n’a pas envie de rester chez lui. Les rayons de soleil pointent le bout de leur nez. D’un pas assuré, il prend la direction du centre-ville, pas la peine d’y aller en voiture. En passant le pâté de maisons, il entend des insultes qui lui sont destinés. « RENTRE DANS TON PAYS DE MERDE SALE RUSSE ! » Le dit russe tourne les talons, lève ses deux majeurs vers le ciel en regardant lequel de ses voisins va perdre sa belle automobile. Wil continue sa route en soupirant. Il n’y a rien de plus usant que de devoir être sur ses gardes contre tout le monde, se faire insulter par n’importe qui. En début de semaine, dans un restaurant, un enfant d’une dizaine d’années l’a regardé droit dans les yeux en le traitant de collabo. Jeunesse insouciante qui répète les propos des parents. Le vagabond d’une journée  secoue sa tête pour chasser ces idées noires. Il occupe son esprit à réfléchir à son job, les programmes à mettre en avant pour les prochains mois. Arrivé dans le centre-ville, il s’assoit sur un banc non loin d’un petit café ou les vétérans se retrouvent pour discuter. Il ne peut s’empêcher de laisser traîner une oreille à leurs discussions.
« - Y’a de plus en plus de collabo dans nos rues. La dernière fois, je suis allé dans ce restaurant pas loin du boucher, ça grouille de perdants. Ils n’ont pas venir chez nous! »
Wil déglutit péniblement en entendant ce genre de propos puis se lève. Impossible d’écouter cette discussion une minute de plus.
Il flâne, perd son temps à regarder les vitrines, c’est futile mais il aime bien.
Le ciel s'assombrit. Inconsciemment, sûrement, il ne se trouvait plus très loin de la boucherie. Sa curiosité le pique au vif. Il veut savoir quel genre de personne s'y trouve. Un autre collabo ? Il se rappelle avoir plusieurs fois entendu l'existence d'autres étrangers qui se sont réfugiés en Amérique plus précisément dans la ville de Stevenson. Il n’a aucune idée des origines que peut avoir l’employé du restaurant ; italien, allemand ou bien russe. L'histoire a été écrite pour faire de ces pays des traîtres, des moins-que-rien, des déchets. Wilfred veut se présenter à cette personne, montrer qu'il n'est pas tout seul face aux clichés et au racisme  qui nous rendent la vie dure.
« - Tiens, le russe. C'est pas toi qu'on veut voir mais maintenant que t'es là.. »
Devant lui, une bande de 3 loustics aux gros bras avec une haine indéchiffrable dans leurs yeux. Pas besoin d'être un génie pour comprendre que le régisseur va passer un mauvais quart d'heure. C'est trop tard pour fuir, il faut devenir convaincant.
« - Écoutez, on peut s'arranger. Une somme d'argent conséquente et on passe l'éponge sur notre rencontre ?  »
L'argent, ça parle à tout le monde. Il n'a plus que ça en réserve de toute façon. Trois gars qui veulent tabasser un gars juste pour des origines russes. On ne peut pas vraiment avoir de discussion profondes avec ce genre de personnes. L'évocation d'argent rend rouge l'un d'eux qui s'approcha subitement pour décocher une droite. Le russe vacilla et se tient au mur. Sa mâchoire était déboîtée.
« - Foutu bâtard, tu vas payer pour être venu au monde.  »
Il n'a pas eu le temps de se débattre, qu'un des agresseurs agrippent ses cheveux et le col de son manteau pour plaquer son visage contre une grande benne en métal. L'extrémité coupe l'arcade sourcilière de la victime. Ce genre de coupure qui laisse place à une belle hémorragie. On le jette à terre, sa vue devient trouble, il ne sent que des coups de pied qui parsèment son corps. C'est douloureux , physiquement, mais surtout psychologiquement. À terre, se faire lyncher par trois crétins en supériorité numérique. Ils vont sûrement tabasser le soviétique jusqu'à sa perte de conscience et le laisser pour mort.  Ça n’est plus qu’un mauvais moment à passer. Personne ne peut et ne veut l’aider, c’est un russe.  Wilfred étouffe ses cris de douleurs à chaque frappe subit. Hors de question de leur donner ce plaisir de le voir agoniser. Son sang coule sur le bitume, il entend au loin « crève, chien », il n’a même pas envie de se débattre, il est fatigué. Ils prennent le temps de dépouiller l'agressé. Wilfred ferme donc les yeux et laisse sa vie aux mains de sa bonne étoile, seul dans cette petite ruelle.

Spoiler:

Après l’avoir laissé dans les ordures, dépouillé de son porte-feuille. Il a perdu assez de sang pour tomber un petit moment dans les pommes. Son corps inerte entouré de poubelles. C’est peut-être là que se trouve sa place. Il y a quelques années, il refusait de croire que son existence se limite à se faire traiter de chien maintenant il doute. Devoir se battre tous les jours parce que son sang et ses origines sont catalogués de nuisible. Il a envie de baisser les bras, il ne peut pas cacher son appartenance, il ne veut pas renier sa race. Il suffit de voir sa gueule pour voir que c’est un bolchevique.
Il n’a plus la notion du temps, le sang sur son front n’a pas eu le temps de coaguler. Impossible de se relever tout seul, chaque geste fait mal. La fatigue le submerge. Les coups qu’on lui a portés ne sont pas fatales mais ils ont assez bien frappé pour amocher Wilfred. Il attend alors sur son tas de détritus qu’on le trouve ou bien qu’il retrouve assez de force pour se traîner jusqu’à la pharmacie. Ah non… Il tapote la poche avant de son pantalon. Il n’a plus d’argent. Peut-être qu’une bonne âme viendra le sauver, au meilleur des cas, la police viendra le ramasser. C’était son seul espoir.  Les yeux clos, il essaye de s’endormir sans prêter attention à son environnement. Il veut sombrer dans un sommeil profond mais une voix attire son attention.

Il ouvre une paupière, une belle chevelure blonde. Il ouvre la seconde, des yeux d’un bleu à en faire pâlir les océans. Un ange ?  Il fronce ses sourcils et tente de se redresser. Un geste assez pénible qui lui arrache un râle de souffrance. Lorsque qu’il entend ta première interrogation, cela lui lâche un petit rire amusé rien de moqueur.. Une quinte de toux s’en suit. Il veut te dire que tout va bien mais il faut juste voir son visage abîmé pour comprendre qu’il a passé un sale quart d’heure. La gentillesse, voir la naïveté de la personne qui se tient devant le brun était tellement touchante qu’il ne peut s’empêcher de sourire.

«  - Je crois que je suis tombé au mauvais endroit au mauvais moment. Ils avaient l’air de chercher quelqu’un d’autre. »

Wilfred scrute les yeux de son sauveur, il sait que le jeune blondinet comprend les termes qu’emploi le russe. On lui avait parlé d’un collabo, Wil l’a trouvé. On reconnaît ses compagnons lorsqu’on les croise.
Il pose sa main sur son arcade saignante. On l’a pas loupé. Il lui faut un bout de tissu pour stopper le saignement.  Ce n'est pas la première fois qu’on le tabasse et certainement pas la dernière. La curiosité est un vilain défaut qui l’a puni pour avoir rencontré son camarade.

«  - Est-ce que tu as un torchon avec toi ? Faut que j’appuie sur ma plaie. »