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 "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]

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MessageSujet: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptySam 28 Mar - 17:42

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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptySam 28 Mar - 20:44

Il est dorloté dans ses couvertures Albrecht, roulé sous toutes ces couches épaisses de coton, de tissus, de cachemire. C'est des raretés qui étaient là, qui l'ont toujours été, même quand Albrecht il est arrivé. Et il est arrivé, il y a déjà longtemps maintenant. Une maison au bois un peu pourri qui était pendue dans les entrelacs des conifères, à dormir seule sans personne pour appuyer sur son parquet blanc.

Mais il est venu l'allemand. C'était quand ? Longtemps, c'est plus possible de dire exactement. Avant l'hiver. Avant le ciel gris, avant les brûlures, avant les cris et les coups. C'était avant l'enfer.
Une aubaine, ça a été, de pouvoir venir se réfugier ici quand dehors ça devenait trop dur. Quand l'asphalte et les regards c'était trop violent à supporter. Venir en forêt c'était plus facile, il suffisait d'enfourcher le vélo et pédaler, pédaler si loin qu'il aurait pu quitter complètement Stevenson et disparaître quelque part dans l'horizon, là où même les rayons du soleil ne l'auraient pas trouvé. Une poche secrète à l'abri de tout, du temps et des gens.

Peut-être que ce cocon maternel, il l'a trouvé là, dans l'étreinte boisée des arbres, parfum de sylve qui s'élève et embaume partout jusque dans ses cheveux blonds. Blonds, beaucoup trop blonds eux aussi. Ça aussi c'était trop facile à repérer, même de loin. Il fallait fuir le plus loin possible et le plus rapidement, sinon tous ils voyaient cette crinière presque blanche, et tous ils pointaient du doigt : "Regardez le nazi il est là-bas !"

Ici, personne peut crier au collabo. C'est silencieux, presque mort. C'est haut, surtout. Loin de tout, loin de la terre, mais pas tout à fait proche du ciel. Et c'est dans cet entre-deux qu'il ronronne Albrecht, ses paupières fermées et son museau enfoui dans les draps. À un petit animal chétif il ressemble, habillé d'un pull de laine et un jean seulement. Peut-être qu'il ne dort pas vraiment finalement, qu'il ne fait que fermer les yeux, mais il a l'air si paisible et heureux comme ça qu'en fin de compte la réponse n'est pas importante. Il vit.

Sauf que ça dure plus très longtemps cette paix. Quand le bruit des talons contre l'échelle en bois claque et s'approche de la porte, là soudain Albrecht redresse son nez et son ouïe s'affûte tout à fait choquée : "Mon dieu qu'est-ce qui se passe quelqu'un vient quelqu'un approche je jee -- ne suis pas seul !!" Et en deux secondes il a détalé loin au fond de la cabane, ce taudis de fortune qui laisse entasser un bordel de plusieurs décennies. Là sous un meuble, une table les chaises une armoire les bacs les boîtes le matériel de pêche les planches de bois tout n'importe quoi ! il se cache et s'aplatit au sol, terrifié.

"Qu'est-ce que c'est"
"Qui ?"
"Comment ?"
"J'ai oublié de retirer l'échelle ?"
"Ça y est il est là..."
"... elle est là..."

Sa bouche se scelle d'un silence meurtri, l'azur de ses yeux qui luit dans la pénombre qu'il s'est construite. Elle, c'est une fille qu'il a jamais vue. Crin brun, court. Des yeux qu'il ne voit pas encore. La fille, elle échoue dans le moelleux du matelas, là où il se trouvait lui quelques instants auparavant. Là où son odeur s'est imprégnée.

Albrecht, il regarde faire. Il regarde, les paupières qui ne battent jamais. Tout dans l'ombre c'est un petit tas inerte qu'il devient, les épaules carrées, souffle arrêté. Il regarde Albrecht, comme si une fille, c'était la première fois qu'il voyait.
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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptySam 28 Mar - 23:12

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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptyDim 29 Mar - 0:08

Tout du long Albrecht ne la quitte pas des yeux.
Pas parce qu'elle est jolie. Pas parce qu'elle est laide. Mais parce qu'est est. Ici, chez lui dans sa tanière, à toucher à tout, à poser les doigts sur tout. Elle récupère même l'ouvrage de ses recueils, et quand elle prononce le titre avec son accent éclaté, le cœur du blond se serre. Un peu comme quand on bafoue quelque chose faisant partie de vous, votre prénom par exemple.
"Gedichtsammlung."
Dans sa tête il récite, ça lui fait du bien.
Coups de dents dans la peau rouge des fruits qu'il a amenés avec lui, ça aussi il voit bien, Albrecht. Il déglutit sans un bruit, sans un son, sans un mot. Recouvert par le brol tout autour de lui qui agit comme une coquille lourde et épaisse de meubles usés.
Coincé dans son propre terrier, il est. Un animal apeuré au poil rabattu de peur.
"Que faire ?"
La chasser ? Il voudrait pouvoir sortir ses griffes et racler le sol pour menacer. Mais Albrecht, il a déjà passé sa vie à se servir d'elles pour se creuser des trous de silence dans lesquels s'enterrer.
Il reste immergé dans son mutisme, ses genoux ramenés au plus près de son torse. Tant pis, il attendra. Il attendra qu'elle parte, qu'elle s'effondre par le plancher, qu'on vienne la chercher, qu'elle se lasse, qu'elle...

"Y a quelqu'un ?"

AH !
Ah... Elle l'a entendu ?
"C'est à moi qu'elle parle ? Elle sait que je suis là ?"
Comment ? Elle a vu ? Elle l'a entendu penser ? Elle a senti son parfum de boche sur les draps du matelas ? Comment elle sait ? Comment ?...
Un frisson l'électrise et son cœur se tait.
(Je sais, on m'aurait dit : "oui mais les juifs aussi ils étaient morts de trouille quand la gestapo raflait les maisons à la recherche de youpin à emmener..." Et on aurait même ajouté : "et puis eux ils risquaient vraiment leur vie. Toi, tu risques une fille.")
Elles ont raison, ces voix.

Encore, il déglutit. Peut-être que s'il reste silencieux, elle pensera qu'il n'y a personne.
(ou peut-être qu'elle se mettra à chercher encore plus assidûment)
Tant pis. Albrecht, il continue de se taire, de faire le mort. De faire celui qui n'existe pas. De faire ce qu'il fait depuis vingt-deux ans en fait. Il se dit qu'elle finira par partir, cette fille. Qu'elle terminera son trognon de pomme et s'ennuiera des vers allemands qu'elle ne peut pas comprendre. Elle se lassera aussi des dessins gravés dans l'écorce, des polaroids qui montrent Brynhild et Johannes, des musiques bizarres sur son walkman, des jetons de bornes d'arcades qui ne servent à rien ici.

Elle partira et oubliera qu'un jour il y a eu toutes ces choses exposées entre le ciel et la terre.
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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptyDim 29 Mar - 0:55

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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptyDim 29 Mar - 12:53

Roulement d'un disque sur le plancher, ça lui semble se rapprocher de sa position et encore Albrecht se tasse. Quand tout à coup une masse s'abat sur sa crinière blonde.
Elle est fantomatique tant elle se retire rapidement mais ça suffit largement à faire soulever les épaules d'Albrecht comme si un gros rat il y avait eu par terre.
Il crie.
Un cri d'une micro seconde, presque étouffé, presque pas vrai. Mais un cri de garçon mêlé à celui de la fille.

Son soubresaut fait trembler la muraille de meubles sous laquelle il se nichait. Maintenant il émerge, tout chancelant, le regard secoué d'une panique ahurissante. Terrible. Là, tout dans le coin du mur, parfaitement dans l'angle droit, un Albrecht terrorisé. Ses dents claquent pareil que quand il fait très froid. Et dans ses yeux très bleus, il s'y imprime le reflet de la fille.
- N-non...!
Il voudrait s'enfoncer plus loin encore dans le renfoncement mais ce n'est pas possible. Après, c'est les échardes dans la peau.
- Tu es qui...?
À mesure que les secondes s'échouent dans le silence, il baisse le regard, acceptant difficilement de devoir confronter visuellement une inconnue qui a pénétré son foyer le plus intime. Encore plus intime qu'une chambre peut-être.
Fatalement, sa vue constate les dégâts depuis les prémices de cette intrusion.
- Regarde, tu... tu as tout dérangé !...
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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptyDim 29 Mar - 20:31

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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptyDim 29 Mar - 22:54

Tout à coup, il se tait.
"... Est-ce que j'ai parlé trop fort ?"
Albrecht, qui ne crie jamais, a l'impression de se mettre à hurler dès qu'il commence à dépasser le stade du murmure. Et il pense avoir été sévère, avoir lancé l'ordre, l'invective en colère. Parce que la fille maintenant elle s'exécute et s'attelle au rangement de tout comme une femme de ménage très appliquée, Albrecht il sait parce qu'il a déjà vu ces dames-là faire. C'est encore plus terrifiant parce que la fille ne le quitte pas des yeux, jamais.

Sa bouche reste close,
"Oui, c'est mieux"
mais ça ne sort pas.
On dit que les allemands ont toujours été très doués dans l'art de faire les choses de manière méticuleuse, ordonnée. Soignée, presque trop carrée. C'est peut-être une pointe de ça qui a percé la bulle de silence à Albrecht. Maintenant il regrette un peu.

- Pardon.

Toujours ses yeux ils fixent les lattes de bois par terre. Les compter ça doit bien faire des années qu'il le fait, il connaît par cœur.

- Je voulais pas dire ça méchamment. J'aime juste... que ce soit rangé. Très bien rangé.

Il reste bloqué dans son angle droit, sans chercher à se défaire de l'encombrement qui le maintient prisonnier entre deux chaises. Jamais il ne regarde la fille dans les yeux, elle a un regard beaucoup trop dérangeant.

- Comment tu as trouvé, ici ? Tu es toute seule ?
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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptyLun 30 Mar - 1:13

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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptyLun 30 Mar - 2:00

C'est bizarre. Elle pose des questions comme si... elle ne savait pas qui il était, Albrecht.
Pourtant, tous ici à Stevenson ils savent. On n'a plus besoin de demander. À moins que ce ne soit pour se moquer. Mais cette fille et ses yeux préoccupants, on ne dirait pas qu'elle se moque.
(peut-être qu'elle joue vraiment très bien la comédie ?)
(je n'ai jamais vu quelqu'un faire ça comme ça)
Il est très gêné. Elle doit entendre son accent germanique à couper au couteau, et ça doit lui faire mal. Elle, elle a une jolie voix. Qui coule plus facilement que les syllables tranchées à Albrecht.

Quand elle s'interroge sur la nature de ce lieu, le blond a peur de révéler l'importance qu'à cet endroit à ses yeux.

- C'est un peu chez moi. Pas complètement. Je viens ici quand je veux être loin de tout.
Ici, il peut dormir sans s'inquiéter.
- J'ai pas construit, mais les objets, j'ai amené. Tu... tu as lu ?

Il se demande si la prose allemande, cette fille peut comprendre.
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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptyLun 30 Mar - 2:33

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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptyLun 30 Mar - 2:57

"T'es Allemand alors ?"

Non, décidément, personne ne peut jouer la comédie comme ça. Même les langues les plus habilement fourbes et entraînées de Stevenson ne sauraient mimer une absence de moquerie de la sorte (tout le monde aurait déjà craqué depuis longtemps).
C'est une première. Comment doit réagir Albrecht ? En fait, il ne sait pas. C'est drôle mais il ne sait pas. Il se sent à la fois perturbé et... soulagé.

Dans son dos on ne voit pas, mais il triture ses doigts de nervosité. Tous ils s'enlacent, grattent la peau des phalanges, pincent un peu. Mais toujours de dos.
Toujours est-il qu'il vient d'avoir la confirmation qu'elle ne parle pas un traître mot d'allemand. En revanche, elle...

- Ooh... C'est du français ? Qu'est-ce que tu as dit ? C'est vraiment beau.

Si ça se trouve elle l'a insulté de connard, mais c'est pas grave parce que même les insultes ça doit sûrement sonner très bien en français. Si Albrecht avait pu choisir une autre langue maternelle, il aurait choisi celle de Molière.

- J'adorerais parler le français. Mais dur c'est à apprendre, comme langue.

Aussi dur que l'allemand, il paraîtrait.
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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptyLun 30 Mar - 4:13

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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptyLun 30 Mar - 12:09

Non, lui que l'allemand et l'anglais il peut parler. Le reste il entend sans comprendre.
Est-ce que ça veut dire qu'elle vient de France ? De... de Paris ?... Est-ce que c'est vrai toutes ces belles histoires qu'on raconte sur cette ville, les romances sur la Seine et les crépuscules magnifiques au-dessus des toits de la capitale ? Albrecht il se demande tout ça, sans oser poser la question. Un peu ses talons se dandinent sur place, trépignant d'attention.

Elle propose alors un deal.
Il sort : elle lui enseigne quelque chose de français.

Est-ce qu'elle lui tend un piège ? Est-ce qu'il y a une farce au bout de cette proposition ? Ouh là... C'est dur de deviner, Albrecht. Vaut mieux ne pas trop se poser de question. Là entre deux chaises, les pieds sont pris mais écarter les meubles pour passer, ça c'est possible. Faisons-le.

Sans un mot le capharnaüm qui le retient prisonnier dans sa sécurité illusoire laisse traverser son corps fin. Il n'approche jamais trop près de la fille, une aura invisible le repousse d'elle, comme si la toucher ça ne devait pas arriver. Au début il tire une chaise et s'assoit dessus. Puis finalement il réalise qu'il est plus haut qu'elle, alors ses fesses descendent à terre pour faire positionner les jambes en tailleur. Timide, il est. Toujours ses doigts s'accrochent entre eux. Encore au sol, il compte les rayures du bois.

Mais enfin, sorti de sa cachette, il est.
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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptyLun 30 Mar - 13:15

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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptyLun 30 Mar - 14:18

Même aussi près que ça cette fille il ne la voit pas totalement. Les cheveux bruns, ça il a vu. La voix il commence à retenir un peu (elle parle le français !!)... Mais les yeux, toujours pas. Peut-être que ça l'intimide parce qu'ils prennent trop de place.

"Dani", c'est inhabituel comme nom. C'est le raccourci de quelque chose ? Encore une question qui s'accumule dans son silence.
Lentement les yeux bleus de l'allemand se dressent, ça frôle les doigts près du cœur à "Dani", mais ça ne grimpe pas jusqu'au visage. Allez, le menton, au moins.

- ... Albrecht.

Souvent, les gens lui demandent de répéter. Et quand il a déjà répété trois fois, ils finissent par dire qu'ils ont compris alors que pas du tout. Finalement on s'en fout ! qu'ils pensent. Parce qu'on n'a pas besoin de savoir son nom au boche, tant qu'il est boche.

La peur, Albrecht, le fige sur place. Quand "Dani" retournera en ville, si elle vient de la ville... un jour elle entendra à nouveau le nom d'Albrecht. Mais pas de sa bouche à lui : elle l'entendra de la bouche des autres. Celle qui médit, qui trompe, qui parle de la guerre et des gens. Des morts et du sang.

- Tu viens d'arriver à Stevenson, n'est-ce pas ?

C'est la seule explication possible au fait qu'elle ne se soit toujours pas moquée de lui.
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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptyLun 30 Mar - 16:42

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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptyLun 30 Mar - 18:08

C'est très difficile de répondre à cette question.
Des surnoms il en a eus. Beaucoup trop.

Pourtant.

- Non.

Le souci c'est que Albecht se rappelle de chacun d'entre eux dans les moindres détails, à tel point qu'il pourrait porter un tableau en liège et y épingler les sobriquets un par un sans en oublier un seul. Et comme vous savez, épingler quelque chose ça veut dire enfoncer la pointe du métal, c'est froid et ça fait mal.

- Peut-être... Al.

Quelqu'un l'a un jour appelé comme ça.
Il s'est envolé.

- J'aime pas vraiment mon nom.

S'appeler Edelstein ça a toujours été un fardeau. "Dani", c'est plus court, plus joli, plus facile à dire et sans doute à porter. C'est plus tout. Qu'est-ce que ça doit être son nom de famille ? C'est quelque chose de français ? De chantant et tout aussi doux ? Il se demande, Albrecht.

- Qu'est-ce qui t'amène ici ? Si je peux demander.

Quand même. Stevenson, ça a jamais été la définition du rêve américain.
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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptyLun 30 Mar - 18:59

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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptyLun 30 Mar - 19:43

Al, ça fait un peu moins allemand, et c'est très bien.
Il préfère qu'on l'appelle comme ça par deux lettres, on devine moins facilement les origines qui se cachent dessous.

On pourrait presque croire à l'apparition d'une expression de contentement sur son visage, quand Dani lui dit que "Albrecht", il aimera un peu plus grâce à ce nouveau surnom très recherché.

Il ramène progressivement ses genoux contre lui, enlaçant le tout de ses bras. Un petit peu il se balance sur place, ça berce le flot de ses pensées et l'aide à se calmer dès qu'une émotion un peu trop forte apparaît.

- Un road-trip toute seule ?

L'idée fait à la fois peur et rêver. Partir, quitter, laisser. Sans rien ni personne. À Dani il lui imagine tout un bagage de vie complexe et rempli. Pour arriver à Stevenson l'air de rien, c'est que vraiment elle doit venir de très loin.

- Oui. Je suis né là.

Il ne connaît rien d'autre que cette ville. Ses parents ont vu d'autres choses, d'autres paysages. D'autres langues. Mais pas lui.
Tiens, c'est quoi cette tâche rouge là ?

- Hé... Qu'est-ce que...

Plissement soudain des yeux, sa mine se renfrogne quand il croit déceler l'empreinte fraîche d'un coulis de vermeil sur les draps.

- C'est du sang...!
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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptyMar 31 Mar - 0:03

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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptyMar 31 Mar - 1:05

Il admire ces personnes capables de vivre avec la solitude sans aucun complexe. Lui la solitude il la subit, il ne la choisit pas. C'est pour ça qu'elle est aussi dure à vivre. Il aimerait que Dani lui raconte tous les endroits par lesquels elle est passée. Les gens qu'elle a rencontrés. Les langues qu'elle a entendues. Les plats qu'elle a goûtées. Il aimerait l'entendre parler pour lui avoir l'impression de voyager.

À l'évocation des hémoglobines sur les draps, surtout après la remarque totalement inattendue de Dani, le visage de l'allemand se froisse d'une incompréhension partagée entre l'horreur et la stupéfaction.
(mon dieu combien de litres vous perdez chaque mois les filles)
Jamais il a eu ce problème Albrecht, alors dans la culotte des filles, il sait pas comment ça se présente. Aussi rouge que ça ? Non jamais il aurait deviné.

Finalement, elle raconte qu'elle s'est juste blessée. Elle dévoile un genou mordu par une écorchure.
- Je suis désolé... Je viens tout le temps, mais ça comme blessure ça m'est jamais arrivé. Je regarderai pour enlever tous les clous.
Et c'est pas des blagues, il va vraiment le faire. Car il se sent responsable comme si c'était arrivé par sa faute.

Sans attendre il quitte sa place au sol, entamant des recherches méticuleuses dans le monticule d'objets présents. Dans tout cet amoncellement, on trouve forcément de quoi soigner les plaies. De l'eau, déjà.
- J'ai une bouteille, tiens prends.
Il la tend sans regarder Dani, pendant que son autre main continue de creuser dans les affaires éparses et multiples. Une trousse de secours, il doit y avoir ici quelque part.
- Non, non pas là... Pas là non plus... Ah !

Tout en haut, dans une étagère fixée sans qu'on sache comment, des compresses empaquetées sous un conditionnement dorment tranquillement. C'est dans ce genre de moment qu'il est bon de faire 1m80, on n'a même pas besoin de se mettre sur la pointe des pieds pour atteindre l'objet de nos désirs.

Lorsqu'il revient auprès de Dani, (et jamais il n'a été aussi proche d'elle qu'à ce moment précis) Albrecht lui présente les tissus à déposer sur la contusion. À le voir, on dirait que Dani est sur le point de mourir.

- Je crois qu'il n'y a pas de risque avec ça... Mets.
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MessageSujet: Re: "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht]   "Tant qu'il y a aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu" - [Albrecht] EmptyMar 31 Mar - 2:16

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Brynhild, qui est la plus jeune des Edelstein, se demande parfois à quoi ressembleraient ses deux aînés si dans un autre monde que Stevenson ils avaient grandi.
Johannes aurait moins de colère en lui.
Albrecht, peut-être qu'il serait un garçon très épanoui aux lèvres sans arrêt décrochées par le sourire. Il a la peau faite pour ça, fine et souple, pour se montrer aussi expressive que lorsqu'on le voit se démener pour venir en aide à cette fille qu'il ne connaît que depuis quelques minutes seulement.

Quand Dani s'occupe de recouvrir sa plaie avec le matériel que lui a trouvé Albrecht, le silence revient peu à peu.
Les genoux collés, pieds vers l'extérieur comme ces gamins et leur première petite amie au bord du lit. Ceux qui ne savent pas comment faire pour embrasser.
Il regarde autre part. Le mur, cette fois.
Mains jointes, scellées de l'angoisse précédente.

- Je travaille.
C'est un travail peu intéressant et socialement éreintant.
- J'aime... la cuisine. Et toi ?

Avec la pomme que Dani a croquée, Albrecht serait rentré avec pour préparer quelque chose.
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